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Les Pyrénées en Tuono ou la quête du Graal

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Bourrask:
J7 – Dr D’Enfer

Aujourd'hui nous entamons le début de la route retour. Deux étapes nous séparent de Lyon et aucun road book n'est défini à l'avance.
Pour ces journées je prévoyais d’aviser en fonction du ressenti sur le vif ; j'aime beaucoup l'improvisation que peut seulement provoquer la navigation à la carte. Suivre le feeling c'est aussi ce qu'il y a de super bon dans un trip. Cela dit le gîte du soir est réservé. Tout ce que j'avais en tête c'était une première étape avec quelques nouveautés régionales et une seconde remplies de morceaux d'anthologie cévenoles et ardéchois. La fin d'un trip c'est le plus important. Qui plus est quand il s'agit une balade très intense comme celle que nous avons vécue jusqu'alors. Un dernier bon gros gavage de deux jours est indispensable.
Pour tout dire cette 7e journée non programmée devait être aussi l'occasion d'un éventuel changement de pneu. Après 2500-2700 bornes, c'est à ce moment qu'aurait du apparaître la problématique des pneumatiques. Je n'imaginais pas avoir déjà passé un pneu arrière et déglingué l'avant à ce moment de l'histoire. Mais j’avais pas tout faux.
La ville de Foix non loin de notre position aurait pu aussi être l'occasion de voir ressurgir les lointains souvenirs d'un trip effectué dans cette même région avec mon frangin. C'était il y a une quinzaine d’années. Nous nous étions arrêtés dans la concession Aprilia de Foix pour remplacer les pneus à l'improviste. Certaines choses changent d’autres pas. A l'époque chevauchant une SVN jaune à carbu, c'est la RSV 1000 de 2002 noir mat et rouge qui me faisait rêver (je craquerai quelques années plus tard pour un Tuono 2004, noir et jantes rouges). Aprilia forever.
Alors peut-être la concession existerait-elle toujours ?
9h, coup de fil au magasin qui s'avère toujours en activité. On m'aurait très volontiers aidé mais il n'y a que du Bridge en stock alors que je tiens au Pirelli. Merci quand même.
Finalement ça tombe bien. La route vers Foix aurait été un retour en arrière mémoriel pas indispensable, autant que géographique ; le moment présent et aller de l'avant c'est beaucoup mieux.

Je retrouve Jean et Biké devant le garage : « on laisse tomber Foix, on tire sur Carcassonne et son Dafy. »

Alors gaz pour Carcassonne, le check point obligé du jour. Il faut faire fissa, une arrivée entre 11 et 12h serait parfaite pour un changement de pneus juste avant la fermeture de midi ou à la réouverture de 14h (il faut être optimiste à ce jeu là), mais ce n'est par pour autant que l'on va oublier de passer par toutes les petites routes qui vont bien pour relier notre destination.
« Et on va voir si j’ai perdu le Mojo avec la carte Michelin ! » me lancerais-je à moi même.

Dans l'ordre en partant de Ax. Col de Maramare, col des Sept Frères ensuite la troisième à gauche pour le col de la Croix des Morts jusqu'à Bélesta. Ici à droite pour le col de la Bourade jusqu'à Puivert où on prend à gauche jusqu’à Chalabre. Là c'est à droite pour les cols de St Benoit et de l'Espinas jusqu’à Limoux et enfin on récupère à gauche les 25 derniers kilomètres, dénués d'alternative joueuse, de la D118 bien roulante jusqu'à Carcassonne.
A 11h nous sommes aux portes de la ville. Pas celles de la cité avec ses remparts fortifiés que nous ne verrons d'ailleurs jamais (psycho forever) mais celle de la zone artisanale comme il y en a une dans chaque ville, conçue selon les mêmes plans, avec les mêmes enseignes, les mêmes parkings.



11h15, nous sommes chez Dafy moto Carcassonne.
« Bonjour, ce serait pour un pneu, on est en road trip, toussa toussa.».
Mais ça ne gagne pas à tous les coups. Alors on m'indique avec espoir un pôle moto tout proche.

11h30, Moto Axxe (jamais vu cette enseigne ailleurs que parmi les pub d'Eurospub avant les GP) qui regroupe aussi KTM, Kawa, Honda, Suzuki, Aprilia et puis toutes les autres marques de la production.

« Bonjour, ce serait pour un pneu, on est en road trip, toussa toussa ». Pas besoin de tout ça en fait.
- Oui c'est possible, qu'est ce qu'il vous faut ?
- Un Rosso Corsa ou un SuperCorsa SP. »
Le Génie descend dans sa caverne d'Aly Baba que je surplombe de visu. Sur la pile de pneus superposés j'aperçois immédiatement l'objet de mes désirs. Vas-y fais péter le SP je t'en prie.
« - Il ne me reste que du Supercorsa, ça vous va ?
- Oui ça m’ira très bien. Je brosse la lampe. Vous voulez que j'enlève mon sac de la selle arrière ou bien?
- On va gagner un temps précieux, on ferme à midi, alors non ce n'est pas la peine. »

Oh bordel. O-h p-u-t-a-i-n. On est chez Hassan Cehef !
Et si je te dis Jean il prend le dernier Super Duke bien méchant, Biké le 1000 Gex tout neuf et moi le SMC R qui sont là en exposition et qu'on va faire un tour le temps du changement de pneu, tu me dis quoi ?

A 12h15 on était reparti. ROYAL.

Nous marquerons l'arrêt seulement une vingtaine de kilomètres plus loin sur la D620. Pendant ce court laps de temps je ressentirai déjà une étrange impression avec ce pneu avant tout neuf.
On déjeune, on se casse.
Nous enfourchons nos motos pour une cinquantaine de bornes de routes à chèvres et autres tracés montagneux totalement inconnus. Je reste prudent avec le pneu neuf alors que perdure et s'installe cette très étrange impression qui m'a gagné dès le départ du garage moto.
A la faveur d'un arrêt j'irai jeter un œil aux inscriptions présentes sur les flancs du pneu.
Ah ouais je comprends mieux…SC1. Et je comprends mieux le tarif aussi.
A Saint Pons de Thomières, c'est soit à droite par la sinueuse mais principale départementale vers notre destination soit à gauche un col certainement moins emprunté et qui en promet beaucoup sur la carte, mais synonyme de détour. Je prends à gauche, ils ne le sauront jamais.
J'ai un truc à vérifier avec le train avant de mon Tuono là maintenant tout de suite !
Et il est devenu un véritable scalpel. Il est vif, précis, doté d'un retour d’information sur la route et un grip incroyables. Il transcende le Rosso 3, monté quelques jours plus tôt à l’arrière, certes doté d'un très bon grip mais au profil qui rend la moto pataude dans les enfilades. Comme le jour et la nuit.
Hassan m'a monté un pneu envouté c'est certain. J’ai la savoureuse impression que je pourrais faire demi tour dans les virages tellement ça tient. Ayant tendance à jeter la moto au dernier moment dans le virage là je suis persuadé que même passé le panneau trop tard la moto pourrait revenir en arrière pour prendre le point de corde et repartir aussi sec. Le ressenti du survirage et du jeté de moto sont tout simplement magiques.

Il en sera ainsi tout le long du col du Cabaretou vers le Nord où au sommet à droite il faudra suivre cette route à chèvres qui se transformera vite en piste de kart au bitume parfait jusqu'au col de la Bane avant de tourner encore à droite plein sud pour les magnifiques cols de Font froide et du Poirier. On aura tourné en rond sur une cinquantaine de bornes et pour l'ensemble de cette œuvre j'accorderai un triple + largement mérité.

Petite pause juste avant la fin de cette boucle sensationnelle.
« Tu ne serais pas en train de nous faire tourner en rond par hasard ? Plein nord au début ensuite plein sud. Le soleil nous a tourné autour !» C'est Jean qui m’interroge.
« Ah…tu as compris ?!» Me voilà démasqué.
« Mais je suis sûr que Biké non ! Hein Biké ?»
Biké n'a rien capté lui. Pas même les vautours qui tournent en cercle haut dans le ciel convoitant sa carcasse depuis l’Espagne.
Note pour plus tard : ne plus faire le coup de la boucle en loucedé à Jean. A Biké oui !

Après cette franche rigolade, nous reprendrons la départementale logique jusqu’à Bédarieux. Viendra ensuite le Bousquet d'Orbe et plus loin le départ de la spéciale de course de cote de l'aller cette fois en descente aussi géniale dans un sens que l'autre.

Ainsi nous arrivons à Lodève. Ensuite ce sera la montée fantastique jusqu'au plateau désertique qui domine les cirques de Navacelles et qui commande plus loin la redescente musclée sur les gorges de la Vis. Pour l'heure il est grand temps de faire le plein de carburant.
L'esprit en quête d'une station essence, quelques encablures passées Lodève mes souvenirs me rappellent finalement la réalité du terrain, ravitailler est impossible dans les parages, alors stop.
Je ne vais quand même pas leur faire le coup de la peine d’essence pourtant un classique du road trip. Enfin avec moi. Comme on est tous en Tuono c'est moins drôle !
Jean checke son smartphone qui indique la station la plus proche à Lodève, sept bornes derrière nous (parfois la technologie a du bon).
Ca va. J'aurais pu m’entêter beaucoup plus longtemps par le passé, peut-être ai-je muri ?
A voir sa tête, Biké lui a du comprendre 20 ou 30 bornes. A ce moment c'est la plus belle et sincère interprétation de l'expression « être au bout de sa vie » qui nous est offerte. A la fois hilarante et très touchante, nous n'avons malheureusement pas pu immortaliser cette scène qui n'a d'égal que celle de Marion Cotillard mimant sa fin dans Batman. C'est vous dire si notre Biké national n'est pas passé loin du César (compressé).

Nous retournerons donc sur nos traces puis nous reprendrons la route via l'itinéraire susnommé jusqu'à Ganges où nous retrouverons notre classique « poignée dans le coin» jusqu'à Saint Jean du Gard pour finir en apothéose par la montée de la Corniche des Cévennes et son énorme gavage en mode « vers l'infini et au delà ».

Tour de contrôle à vue, rétro-freinage pour aborder la voie d’atterrissage. Notre escale pour la nuit sera l'hôtel de la Patache, là où tout a (re)commencé quasiment trois mois auparavant.
La boucle est ainsi bouclée au moins en très grande partie.



Bourrask:
Inception

Flashback dans un flashback

L’idée de notre périple fût lancée ici même mais à vrai dire rien n’aurait été possible sans le Mojo.
Si la découverte du Graal en terre catalane, trois ans plus tôt, amena cette récompense ultime tant convoitée elle s'accompagna en même temps d’un lourd sacrifice. Quand à l’époque je rentrai, mon Mojo lui décida de rester sur cette terre sacrée.
Au retour il me fût impossible de retrouver le très singulier état de transe qui m’avait animé lors de cette prodigieuse découverte ; impossible de renouveler des sensations proches de La Route Magique.
La région Rhône Alpes pourtant gavée de massifs ne me faisait plus vibrer. Le Bugey, le Jura, les Bauges, le Beaujolais, l’Ardèche, etc plus rien ne me faisait envie. Le feu sacré avait disparu.
J’en vins à reporter la faute sur ma fidèle monture sans laquelle pourtant la conquête du Graal n’eut pas lieu. Il me fallait pour un temps désunir cette fusion bio mécanique mêlée d’os, d’acier, de chair et de carbone. Cette peinture de Giger devait être brûlée, La Brute repoussée, le Tuono R 2002 délaissé pour un temps.
Le désespoir m’amena à vendre mon âme sur l’autel du 4 cylindres. Alors je me séparai du Bon, de mon 1er Tuono 2004 noir et jantes rouges pour le V4. Dans les premiers temps rien n’y fit, l’union sacrée avec le V60 était trop difficile à scinder. Il me fallait aller chercher ailleurs ce que j’avais perdu ici.
Finalement c’est la providence qui me ramena sur le droit chemin, aidée en grande partie par le Truand. Et puis aussi Stéphanie mais ça je ne lui avouerai jamais.


Et loin, j’ai retrouvé Mon Mojo.



Genre vraiment loin.



En Tunisie…Mais c’est une autre histoire.

Bourrask:
J8 – Retour vers le futur

Le dormeur doit se réveiller.
Et voilà nous y sommes c'est le dernier jour, ce soir chacun dormira chez soi en région lyonnaise.
Et comme à chaque fois je suis gagné par cet étrange sentiment mélangé entre le bonheur de l'accomplissement d'un projet, et la nostalgie, déjà, de son souvenir.
Qu'il paraissait le terme du voyage à notre départ du carrefour de Givors une semaine auparavant. Mais c'est comme cela à chaque fois. Un point de départ terne et familier pour une destination pleine d’espérance.
La première journée est toujours ma plus grande crainte. Relier la première étape sans casse, sans problème pour s'évader loin ; dans le cas contraire ce serait une très amère déception dont j'aurais grand mal à me remettre. Le second jour la pression est évacuée comme par enchantement et c'est le début d'une longue aventure qui paraît sans fin. Je parle des périples sur une semaine au moins. Un week-end de 2 ou 3 jours c'est déjà bien, mais une semaine, tu sais que tu vas rouler le lendemain, le surlendemain, encore et encore. Tu ne penses absolument pas au terme du voyage qui te paraît tellement loin, presque inaccessible sans encombre. Aussi il faut savoir adapter d'emblée le bon rythme, ni trop pour préserver le physique ni pas assez pour accomplir les itinéraires journaliers. Alors peut-être que ça fait un peu le type qui se la raconte. Ok, c'était pas le Dakar et on a roulé sur l'un des meilleurs réseaux routiers du monde avec hôtel resto tous les jours pour une durée sans excès. Cela dit c'est le trip le plus intense que j'ai jamais fait, je l'avoue sincèrement. Et j'en ai fait quelques uns pourtant, avec d'autres barjos. Pour tout dire et parce que ce sentiment m'a traversé l'esprit à maintes reprises durant cette semaine, j'ai eu l'impression de vivre un condensé de 15 années de road trip en un seul, avec ici pour unique objectif les sensations de conduite et rien d'autre. Et pour ça c'était énorme.
A part une brève incartade au road book pour cause de pluie et une véritable mais courte déception en Espagne, ce n'était que du virolos et rien que ça. Et uniquement du best of de spots régionaux sur plus de 3000 bornes s'il vous plait ! Faire plus je ne vois pas comment à part en changeant de pays et encore pas sûr qu’on trouve mieux ailleurs, en tout cas et pour ce que je connais, pas dans les Alpes jusqu'à sa frontière slovène. Et pour ceux qui pensent qu'on ne peut plus rouler en France (à moto avec de la vitesse), c'est une vaste fumisterie. Sans être des inconscients ou des délinquants, on ne veut tuer personne, on s'est toujours fait largement plaisir sans jamais se contraindre. Ceci dit il est certain que le plaisir se trouve sur les réseaux secondaires très peu fréquentés. Alors niveau intensité et sensations de conduite c'est le meilleur trip que j’ai pu vivre et de loin. Par contre niveau tourisme ce n'était pas ça. On a rien vu. A part des pompes à essence. On va dire que ce n'était pas l'objectif du trip même si souvent je m'en suis voulu.
Peut-être Jean et Biké m'ont maudit plus d’une fois…sans jamais aucun reproche ou déception formulée, ils sont trop cools pour ça. L'entente et la cohésion de groupe c'est le point le plus important pour une telle virée. Etre sur la même longueur d'onde et maintenir cette fréquence tout au long du voyage, c'est ce qui a permis de faire de cette grande balade un trip d'enfer ! Je re-signe avec eux les yeux bandés, c'était génial et ils sont géniaux !
Et puis comme l'a si bien dit Biké on pourrait le refaire quatre fois d’affilée, les paysages nous resteraient toujours méconnus!



Après la conclusion, la suite.


9h, parking de l'hôtel La Patache.
Ca commence toujours pareil.
Biké se pointe le dernier, comme d'habitude. On a sorti sa brêle du garage et même on lui a graissé sa chaîne comme d’habitude. Il ne pourra pas dire que nous ne l'avons pas choyé. Peut-être voudrait-il qu'on lui arrime ses bagages son sac carrefour avec les deux tendeurs à moitié effilochés aussi ?

Sur le parking il faut choisir entre une route à chèvre et la corniche des Cévennes, les deux déjà expérimentées, les deux entrées à moins de 20 mètres.
« Aujourd’hui c'est mode balade pour moi ».
Je me retourne pour vérifier, c'est bien la voix de Jean que j’entends là. Si Biké avait prononcé telle sentence je me serais fait un immense plaisir à l'emmener pour le calvaire de la route pourrie sur le champ.
« Ok, va pour la Corniche. »
Je t'aime aussi Biké !
D'façon ils feront comme ils voudront moi j’ai un SC1 tout neuf prêt pour la défonce. Autant le premier jour y'a pas le droit à l'erreur autant le dernier on peut tout se permettre. Lol hein ! Enfin, l'offensive c'est à la fin qu'il faut la mener ! lol 2

Rond point de Florac au bout de la Corniche, un phare de Tuono en réflexion dans le rétro, jusqu'ici rien d’anormal.
C'est Biké !
« Jean s'est arrêté pour une photo, il ne sera pas là avant 5 à 10 minutes. »
Compris. Demi tour pour se repositionner. En même temps que j'achève ma manœuvre j'aperçois dans le giratoire une silhouette verte et rouge passer comme une flèche.
T'avais pas dit 5 minutes? C'est Jean déjà.
Nous partons à sa poursuite. Mais le problème s'avère indénouable dans le centre de Florac avec sa voie unique étroite et une dizaine de voitures impossible à remonter. J'observe simplement le casque AGV lointain émerger en tête de la colonne d'automobiles avant de disparaitre pour filer vers une destination inconnue.

On laisse tomber ça ne sert à rien, on ravitaillera en l'attendant, il finira bien par revenir.

Quelque minutes plus tard, coup de fil de Jean.
« Vous êtes où ?
Heu…c'est quoi l'expression déjà ?
- On est derrière toi.»

Le groupe reformé nous prenons la direction de Florac jusqu'à Génolhac, après ce sera Villefort, j'en salive d’avance. Génolhac-Villefort après quasi 3000 bornes de virolos d'échauffement, le Tuono avec le SC1 devant…Pour le contexte, l'enchainement Génolhac-Villefort-Les Vans aura été pendant de très longues années mon Graal absolu avant qu'il ne soit détrôné par le VERIDIQUE Graal espagnol. En y repensant je ne salive plus, je bave littéralement.
Je ne rentre pas dans le détail mais c'était à tomber parterre tellement c'était bon.

Nous déjeunerons à la Bastide Puylaurent dans un resto où nous nous étions arrêtés au retour des Cévennes en mai. Je l'avais en tête en point de repère et comme étape certifiée par nos soins.
A chacun son pèlerinage. Pour les marcheurs chrétiens, le chemin de Compostelle, pour nous c'est une voie différente.
Au cours du repas Jean nous indiquera sa volonté de rentrer par le plus court chemin. Soit. Pour Biké et moi les voies du seigneur resteront impénétrables.

La communion du déjeuner célébrée, vient le moment de la séparation suivie de brefs aurevoirs.
« A très vite ».

Jean part de son coté. Biké me suit.
T'ai-je déjà parlé de mon engouement pour les détours mon cher Biké ?
On est pas prêt d’arriver, il reste encore tous les tracés en +, ++ et +++, cette fois en sens inverse de l'aller.

A la faveur du premier ravitaillement, nous nous posons en terrasse avec vue dominante sur les pompes à essence de notre relai. Que c'est beau l'Ardèche, c'est pas comme chez nous.
Biké m’aura bien fait rigoler et surpris aussi avec ses histoires de motos guadeloupéennes.

A partir de là je laisse tomber la carte. La navigation de mémoire peut être géniale aussi.
Enfin quand elle ne défaille pas… ou peut-être est-ce la faute à mon subconscient. Bref on tournera tellement en rond que même Biké s'en sera rendu compte.
C'est promis à Annonay on prend les routes à chèvres les plus directes.
Nous finissons par Saint Julien Molette, Pélussin, et la classique lyonnaise Givors - Rive de Giers, les derniers rayons de soleil avec nous.

Le terme du voyage est tout proche. Dix kilomètres nous en séparent seulement. Le tracé jusqu’à Givors, insipide par rapport aux kilomètres parcourus jusqu'ici est pourtant une nécessité absolue. L'obligation de franchir la ligne d'arrivée autant que celle du départ. Alors, conscient de vivre les derniers instants du voyage, serein, je m'enivre de chaque courbe, de chaque relance, de chacune de ces dernières sensations pour apprécier à sa plus juste valeur le moment qui arrive, le moment qui va marquer la fin du voyage, le moment où nous allons boucler la boucle définitivement.





Biké, Jean et moi.


Fin du flashback



Epilogue
Un flash lumineux déchire le ciel. Le tonnerre raisonne dans la vallée. Quatre Tuono lancés à 88 miles à l’heure éventrent l’espace temps à 13h27 ce vendredi 10 août 2018. Un an plus tard jour pour jour.
Hé Doc, nous sommes de retour !

To be continued.

Bourrask:
Le Graal est une drogue.
Sa quête est périlleuse mais sa récompense jouissive. Alors une fois de plus il fallait retourner là bas, dans les Pyrénées.
Pour cette nouvelle campagne nous avons recruté notre pote Seb, lui aussi en V4 (c'est un hasard et pas une condition obligatoire). Ainsi il y aura encore plus de Tuono pour encore plus de Pyrénées.
Entre nous ce périple nous l’appelons la Tuono Cup. Ce qui nous fait rire tout en résumant bien la situation. Mais on pourrait aussi l’intituler #Retour vers les Pyrénées II ; #Les Pyrénéens / Les boules de pétanques offrez les dans les couilles, ou encore #Dans la peau de John Malko-Biké. Mais au final celui que je retiendrai c’est # On s’en bat les couilles.


Vendredi 10 aout 2018, 11h30, Lachassagne
(#uste après Anse et la montée avec les deux épingles en enfilade droite-gauche y’a un raccourci pour l’éviter mais je le prends jamais).

Le triangle rouge s’éclaire sur le tableau de bord accompagné de son acolyte SERVICE sur l’écran à cristaux liquide. Je les déteste ces deux là !
Mais je connais la blague. Si les meilleures sont les plus courtes, après trois coupures de contact et autant de redémarrages du moteur, les deux compères me font toujours la nique. Sans succès je réitère l’opération deux fois de plus pour être sûr.
« Qu’ai-je fais de mal ou mal fait ? » Pour l’instant je cause calmement à ma brêle même si on a tout juste parcouru 30 bornes et pas encore atteint le point de départ. Ca chauffe un peu.
« Tu as été révisée il y a moins de 1000 bornes, ton train de pneus est neuf, ce voyage tu l’attends tout autant que moi et, fait inhabituel et grande courtoise de ma part, je t’ai lavée pour l’occasion.
Alors qu’est-ce que tu me casses les couilles ? » Rapidement le ton monte.

Résigné je passe un coup de fil à Jean pour l’informer de mes déboires.
- « Peut-être je vais rentrer chez moi pour prendre le V2, lui changer les pneus dans l’après midi et vous rejoindre demain.
- Viens. On va voir ce qu’on peut faire. »

Soit.
Les 15-20 minutes suivantes vont sonner l’apparition des premières voix.
Ce pictogramme rouge est-il un signal ou un signe ? La machine essaie-t-elle de communiquer avec moi par le seul biais de son système de communication archaique et limité (D.A.R.Y.L. c’était le futur dans les années 80)? Simple ampoule grillée ou fusion du moteur c’est le même avertissement. Il n’y a pas de priorisation de l’information et c’est bien regrettable. Alors j’imagine des trucs. Une voix de fantôme surgie des profondeurs d’outre tombe. Ne pars pas… ne pars pas…Le ton enseveli sous 20 clopes.

Je gagne néanmoins le point de rendez-vous. Et je suis le premier. Y’en a un il bosse encore ou tout juste et l’autre il a pas pris le bon train ou tout comme.

A peine arrivé, Jean sort sa caisse à outils de secours et très vite ma moto se retrouve éparpillée au pied de l’escalier menant à la terrasse où poussent les fleurs du mal. Une larme scintille au coin de mon œil droit, le verdict tombe rapidement.

« C’est le moteur de valve d’échappement qui est cassé. Une panne courante. »
Moi je croyais que le zizzz zizzz à l’initialisation c’était le bruit de la pompe à essence…mais j’y connais rien en mécanique. J’avoue qu’un petit « contacteur de béquille HS » m’aurait bien satisfait.
« Maintenant que l’on connaît la cause il n’y a plus à s’inquiéter. » Conclue Jean.
- Pardi ! Mais va falloir me virer le voyant rouge du tableau de bord. Sinon ça ne va pas être possible ! »
En plus je suis exigeant.

Entre temps nos deux compères seront arrivés, j’aurai téléphoné à toutes les concessions Aprilia sur notre trajet en quête de la pièce défectueuse en vain, appris le montant de la dite pièce avec regret et par la même fait le deuil d’un remplacement dans un futur immédiat. Egalement j’aurai appelé Dafy pour un éventuel changement de pneus pour le V60 aka La Brute dans l’après midi même, mais l’opération semblera impossible. Ainsi pas de regret ou d’hésitation.
Je note qu’aucun de mes compagnons de voyage n’aura eu l’outrecuidance de formuler la moindre remarque quant à la fiabilité de ma moto ; le même sort pouvant s’abattre à tout moment sur l’un ou l’autre des trois autres Tuono.

- « Regarde mon œuvre ! » Comme Jean semble m’y inviter.
Je note qu’il n’y a plus une vis parterre, déjà c’est beau. Et celle là sur l’établi? J’exagère.
Un morceau de scotch noir recouvre le récalcitrant voyant rouge désormais invisible.
- « Merci Jean ! »
C’est tout ce qu’il me fallait.


Le départ.


Jean se charge de nous ouvrir la route pour regagner le Pilat. A brûle pour point je n’ai pas la tête à la navigation, mes pensées tournent en rond. Si tu ne reviens pas sache que je t’aurai prévenu!  Ce n’est pas bon de se laisser envahir par la pensée à moto. Tu te déconcentres, tu ralentis, le drame est si vite arrivé.
Soudain le GPS de Jean nous invite à nous pencher sur l’étymologie du terme « carrossable » et plus particulièrement sur son association contextuellement usitée de « route carrossable ». Déjà bien occupé par mon introspection sur l’origine de mes croyances et superstitions dans la pratique de la moto autant vous dire que la somme des sujets de fond à aborder dans un laps de temps si court me paraissait bien ardue. La solution ?
On s’en bat les couilles !
Alors gaz sur le chemin de 1,5m de large avec l’herbe qui pousse au milieu, les marches de 30 cm en sous-bois, le gravier, la terre éparpillée ça et là, et j’en passe.
D’un coup ça va mieux, le cerveau est débranché, juste connecté sur une seule tache. Réception et interprétation de l’environnement instantané pour réaction adéquate immédiate.

Ensuite Jean me parachute en zone méconnue, genre vas-y démerde toi, trouve la route.
A l’instar des cafouillages de son GPS je dois opérer un reboot de mon système de navigation interne, c’est à dire retrouver un check point connu pour pouvoir lancer la boucle. Bref je suis un peu perdu.
Peut-être ai-je effectué une manœuvre un peu large pour gagner la piste de décollage, suivi d’un court demi tour, ceci-dit une nouvelle voix s’invite dans mon casque à peine étouffée par le barouf du moteur, le casque et les bouchons d’oreille, et pas même la distance de trois motos. Cette voix ne provient pas de ma tête, j’en suis sûr ; je suis en connexion directe avec les pensées de Biké déjà inquiet du timing. Ce qui me fait sourire d’emblée. Cela dit désormais j’ai un point de repère, dans 10 minutes les choses sérieuses vont commencer.

Rive de Gier - Bourg Argental – Tence – St Agrève – Le Cheylard – Mezilhac.
Un tracé idéal pour du rodage de pneus et une thérapeutique remise en conditions.
L’hôtel des Cévennes est ainsi rallié en fin d’après midi.

Apéro !
Seb, habituellement abstinent, commande un rhum (!). A la fin de cette semaine il sera devenu alcoolique et drogué mais ça il ne le sait pas encore.
Le diner et les digestifs avalés il est déjà temps d’aller se coucher.

Au moment précis de se séparer pour regagner chacun sa chambre une révélation terrible me glace les os, un oubli impardonnable me revient subitement en mémoire, le plancher tremble sous mes pieds, la foudre et le tonnerre éventrent la bâtisse. J’ai oublié ma flasque de whisky !

Comment pourrons-nous accomplir notre pèlerinage sans notre boisson liturgique? Quel tragique destin nous attend? Biké reviendra-t-il sain et sauf ?


Teaser:
https://youtu.be/q2Se7g1DhCU

Bourrask:
Samedi 11 aout 2018

Nous nous retrouvons à 8h30 pour le petit déjeuner avec comme objectif un rendez-vous à 9h au garage et un départ dans la foulée. On essaie de s’améliorer sur le timing.
L’année dernière chaque journée était un contre la montre, nous avions à peine le temps de jeter armes et bagages à l’arrivée pour la douche et l’apéro avant le diner, alors cette année nous décollerons plus tôt le matin. Ceci dit y’en a un qui n’a peut-être pas bien intégré l’objectif…
Aussi on modifie l’itinéraire initial pour emprunter les gorges de la Jonte avant notre étape finale du jour à Dourbies.
A 9h15 les moteurs s’ébrouent enfin. L’hôtel des Cévennes planté au carrefour d’une multitude de possibilités on prend à gauche pour changer. La D16 jusqu’à Sainte Eulalie qui nous permettra de rejoindre le premier tracé triple + de notre périple et le col de la Croix de Bauzon.
D’emblée la journée s’inscrit sous de bons augures, la température est un peu fraîche, le soleil radieux, les virages présents dès les premiers hectomètres. Pourtant au bout de quelques minutes un phare manque à l’appel dans le rétro. Seb et moi nous arrêtons alors que Jean effectue un demi-tour. Une intersection manquée ? Un tout droit ? Je prends les paris avec Seb. Dans le doute nous effectuons la même manœuvre que Jean quelques minutes plus tôt et retrouvons nos compères 500 mètres en amont arrêtés sagement sur le bord de la route.
La terrible révélation de la veille si elle n’aura pas eu d’incidence sur le continuum espace temps aura néanmoins provoqué quelques dommages collatéraux. Le maudit triangle rouge vient de s’éclairer sur le tableau de bord de Biké.
Tu veux du scotch noir ?

Un petit « on s’en bat les couilles » plus tard et nous voilà reparti pour le prochain ravitaillement en essence. Je vise les pompes juxtaposées au camping de Jaujac. Ce trip est en passe de devenir un véritable pèlerinage, j’ai toutes les stations services du coin en tête, pas besoin de smartphone connecté.
Biké reconnaît les lieux avec entrain, on ne la lui fait plus et la malédiction du triangle rouge s’est envolée. Pendant ce temps là Seb immortalise les lieux. D’ailleurs par la suite il photographiera méticuleusement chaque ravitaillement fidèlement à l’idée lancée au départ. C’est ça une bonne équipe. Y’a ceux qui lancent des idées à la con en picolant et ceux qui vont au bout des choses.
Maintenant c’est gaz pour la Croix de Bauzon !

La montée démarre au pied de la station, c’est le premier vrai manège du trip et à ce moment je me rends compte que je suis véritablement en vacances. Définitivement il n’y a aucune malédiction en cours. Avoir les moyens et le temps de réaliser un périple de plus de 3000 bornes avec des potes, sur des spots de folie et des motos de dingues taillées pour le virage, c’est une chance incroyable. Alors on se doit de l’apprécier à sa plus juste valeur. Et ce n’est que le début d’un trip qui nous mènera aux portes du paradis de la moto, ni plus ni moins, là bas dans les Pyrénées.
Je ne me souviens plus mais certainement qu’on est monté en mode attaque. Quatre V4 hurlants depuis les gorges jusqu’au sommet, on devait nous entendre arriver de loin. Et souvent je me ferai cette réflexion au cours du voyage, surtout à l’approche des voitures s’écartant immédiatement à notre contact ; on doit produire un bordel acoustique pas possible.

S’installe ainsi une certaine routine, spéciale sur spéciale avec très peu de temps morts, on dirait presque un job. Et qu’est-il de plus commun avec le travail ? C’est l’amélioration.
Alors je prends des engagements auprès de Biké. Il est convenu que cette édition nous prendrons plus de photos.

Quelques encablures avant Villefort, un caisseux en Golf GTI ? Ou Mégane Sport ? Ou 308 GT ? Bref une de ces BAR grises insignifiantes un peu sportive nous incite à de la petite arsouille sur le beau bitume en descente. Poli et très joueur par nature j’accepte l’invitation en bonne et due forme.
Le conducteur ne se révèlera pas très bon, la poursuite sans intérêt, alors à l’approche du point de vue panoramique sur le lac de Villefort j’opterai pour le premier arrêt photo de la journée. Vois-tu Biké tous les sacrifices que je consens pour toi ?
Le caisseux aurait été bon plutôt mourir que de s‘arrêter, hein.




Nous repartons par la route du mont Lozère.
Nouvel arrêt photo pour tenir (encore) quelques promesses. Plus loin nous déjeunerons au Pont de Montvert dans la salle intérieure du resto situé en bordure d’un cours d’eau.






Nous reprenons la route en direction de Florac et son étape certifiée en ravitaillement. Ensuite on tire sur la D16 qui part du centre de la bourgade avec son tracé en pointillés rouge et blanc sur la carte Michelin. Comprendre épingles serrées et revêtement pas terrible. Quelques automobiles et autres chicanes mobiles devant nous une voiture s’extraie avec force du trafic momentané. Je ne reconnais pas le véhicule mais de loin on dirait une voiture de course issue de Fast and Furious Tokyo Drift. Ca clignote direct « jeu » dans ma petite tête ; suivi d’un « pas tout de suite ». Dans l’immédiat il y a trop de monde sur cette route pourrie. Le plaisir de la chasse est de laisser partir la proie. Attendre son heure pour jouer avec elle tout en lui laissant un espoir d’échappatoire, pour finalement l’enserrer au dernier moment toutes griffes dehors. Je ne suis pas psychopathe seulement très joueur. Surtout une voiture de sport peut se révéler être un gibier beaucoup plus sportif à chasser qu’une moto.
On remonte un peu plus loin sur notre proie. De plus près je distingue trois ou quatre sorties d’échappement en partie centrale, un aileron arrière, et le moteur a l’air de marcher, rien à voir avec la Ford Escort GTI mazout du père Jacky. Seb nous apprendra plus tard que c’était une Honda Civic type R.
Sur le plateau des Causses Méjean, et ses paysages irradiés par cette lumière jaune caractéristique, la route se veut roulante, le bitume incertain et gravillonné, cependant la chasse se terminera à des vitesses largement prohibées. Sur un ruban propre et bien sinueux cela aurait pu être plus fun. Ici le conducteur aurait dû nous mettre la misère, mais il s’écartera pour nous laisser passer non sans avoir lutter. En même temps on veut bien le comprendre avec quatre V4 hurlants au cul. C’est le seul prétendant qui aura voulu jouer avec nous durant tout notre voyage. Souvent par la suite je m’avouerai ne jamais vouloir nous croiser.

Nous redescendons enfin sur les gorges du Tarn pour les 10 kilomètres nous séparant du Rozier et des gorges de la Jonte, notre objectif du jour. Les routes de gorges sont celles que je préfère je peux le dire. Un relief pas trop prononcé, des virages en enfilades et quand le bitume est parfait et déserté comme c’est le cas ici, le kif est assuré. Meyrueis atteint rapidement nous faisons une halte sur la passerelle ombragée d’un bar enjambant la Jonte.




Il est 17h-18h, nous repartons pour un spot local encore ! Décidemment ce job est fatiguant.
30 bornes de virages incessants nous mèneront non loin du sommet du Mont Aigoual jusqu’à la bifurcation pour la toute petite départementale qui conduit à Dourbies notre étape pour la nuit.
Cette fois nous serons raisonnables sur ce tracé à la qualité de revêtement changeante, on verra le prochain coup.

A l’hôtel nous sommes accueillis par Francis Cabrel en personne ou presque. En tout cas son intégral musical est joué en boucle sur la sono de la salle de séjour. Je crois que le son du V4, valve ouverte en grand continuellement, me fatigue moins.

Heureusement Seb a gagné les faveurs de la cuisinière de l’hôtel qui consentira à changer de disque.
« Johnny ça vous irait ? »

Après le repas et une excursion sur la place du village où se tient LE concert de l’année nous finirons la soirée sur la terrasse de l’hôtel un Whisky/Rhum en main à contempler un ciel noir limpide ponctué d’étoiles scintillantes. Et de satellites aussi. Et de lumières rouges balisant une piste d’atterrissage pour ovnis extraterrestres dans les montagnes.
En cette Nuit des étoiles, seul Seb aura observé un astre filant et prononcé son vœu : se taper la cuisinière édentée.
Et ça continue encore et encore, c’est que le début d’accord d’accord…





Dimanche 12 aout 2018

Que j’apprécie cette petite excitation matinale d’avant départ. Comme les jours précédents nous quittons la table du petit déjeuner la sentence officiellement prononcée :
« A 9h on est sur les motos ! ».
Elle pourrait se traduire officieusement par « le dernier arrivé est un boulet ».

Il est 8h40, il me reste 20 minutes pour : remonter dans la chambre (30’’), boucler mon sac (4’), enfiler la combinaison et les bottes (8’), régler la chambre (5’?), fixer mon sac sur la selle (5’), graisser la chaine, etc.
Merde déjà 22’30’’ ! Ca va être chaud.
C’est ce à quoi je pense en fumant ma première clope du matin en compagnie de Biké.
Je l’écrase à moitié grillée dans le cendrier.
« C’est trop tôt pour moi, elle est dégueulasse. A tout de suite Biké, tu peux prendre ton temps y’a pas le feu, on est en vacances. »

A 8h57 je dévale l’escalier menant à l’accueil, le lourd sac de selle dans une main, la sacoche de réservoir et le casque dans l’autre. Je suis déjà en nage mais tout va bien. Je contourne un groupe de clients hagards présents dans le hall, et m’approche du comptoir ; la note est prête, Seb et Jean étant déjà passés régler leur part.
Biké ? Impossible qu’il me rattrape avec le groupe ici présent. Mais j’aurai peut-être du bloquer la porte du petit hall d’entrée commun à nos deux chambres pour être sûr.
A 9h10 les bagages sont arrimés sur la moto, je vais enfin pouvoir fumer une clope tranquillement en savourant l’arrivée de Biké.
« Bah alors qu’est-ce que tu fous, c’est toujours toi qu’on attend pour partir ! Tu sais ce que ça veut dire de respecter un horaire? »

Nous démarrons la journée à l’endroit où nous l’on l’avions laissée la veille sur cette minuscule départementale qui serpente le long des gorges de la Dourbie. Hier si le revêtement de la route semblait pourri, la portion de 20 bornes à venir elle est recouverte de gravier et invite plutôt à la contemplation. Quelle sensation unique de ressentir cette quiétude improbable au milieu de paysages sublimes et sauvages. Aidés par un silence profond, l’air frais du matin et les doux rayons de soleil favorisent l’apaisement du corps et de l’esprit. Ce spectacle rare et étranger à nos turpitudes urbaines, nous arrache littéralement à notre quotidien et invoque la paix, tout simplement.
Nan mais LOL ! Ca m’évoque plutôt ceci:

https://youtu.be/UBEabGgUBYk


Moi j’attends avec impatience les nombreux tracés annotés double et triple ++ de la journée et leur bitume tout noir. Alors, gravier ou pas, gaz pour s’arracher au plus vite de ce merdier et rejoindre, via une courte liaison faite de départementales désertes, le premier spot de la matinée. Et d’après la carte Michelin il est tout aussi poétique: Le Cirque du Bout du Monde. Là on ne nous servira pas la Comtesse de Ségur mais plutôt du Bukowski.

Gavage ! Tout de suite après c’est le deuxième temps fort et la montée de course de cote depuis Lodève. Un véritable circuit taillé dans la montagne avec sa triple épingle à droite dont la dernière est totalement à l’aveugle. Une particularité de cette route qu’il suffit d’avoir vécu une seule fois pour la graver en mémoire à jamais. Quand tu ne vois plus la route et que tu crois que c’en est fini de tourner, jette la moto à droite!

Passée une courte liaison toujours sur départementale, puisque contrairement à Jean Yanne je ne roule jamais sur nationale, nous voilà arrivés à St Pons de Thomières et son départ pour un tracé annoté simple +. Je l’aime bien. La route est large, le bitume impeccable, tous les virages se passent à vue sans surprise, c’est du rapide très facile. Alors on gaze. Au sommet du col je sais que l’on devine la méditerranée à l’horizon au niveau de la dernière parabolique. L’année dernière on avait filé. Etant donné mes engagements et qu’ensuite le tracé a peu d’intérêt, je décide de nous stopper. Pour Biké dirai-je.




Le temps de prendre quelques photos, le groupe de motards aperçu à la station située au départ du spot nous rejoindra après nous avoir gratifié d’un aller-retour dans la grande parabolique où nous avons pris nos quartiers. Avec le genou parterre puisque c’est la mode désormais. Enfin surtout chez les jeunes tellement obnubilés « à poser » en virage qu’ils en oublient la vitesse de passage.
La jeune horde sauvage s’arrête à nos cotés et l’on comprend que ce doit être le circuit du coin. Très sympa l’échange est convivial. Mais comment dire ? Cette impression de regarder des chiens se renifler le cul, en l’occurrence les nôtres, je trouve ça bizarre. Si vous voulez on repart tous ensemble pour un aller retour et on voit qui gagne ? Me titille une voix insidieuse qui repart aussi vite qu’arrivée.

« Et vous allez où ?
- Les Pyrénées espagnoles.
- La Costa Brava ?
- Non, les petites routes désertes on préfère. »
On ne leur parle pas de Jean Yanne évidemment.




De franches salutations échangées nous voilà repartis pour l’aventure, vers l’infini et au delà !
Vingt bornes plus loin nous nous arrêtons pour le déjeuner sur la place centrale et ombragée de Lézignan-Corbières. Dans un salon de thé.
Ouais on est comme ça. On boit de l’eau, on mange des paninis et des glaces arrosées de crème chantilly. L’alcool c’est uniquement le soir à l’hôtel.

Ensuite nous reprenons la route des pays cathares qui traverse un relief de collines et de monts revêtus d’une végétation aride. A chaque fois c’est la même image qui me revient en tête, je m’imagine la vie qui pouvait régner ici au temps des chevaliers, mon esprit divague ensuite vers Don Quichotte et Sancho Panza…je voudrais voir des moulins à vent de partout!

Plus loin, à Lagrasse, débute une étroite route longeant un cours d’eau faite de bosses et de trous qui m’évoque également le médiéval, l’âne ou le mulet je ne saurais dire.

Au bout du chemin, nous bifurquons à droite après avoir échangé géographie avec de sympathiques autochtones allongés paisiblement dans leur jardin, et reconnaissants que nous coupâmes nos moteurs durant ce laps de temps. C’est qu’ils doivent en entendre passer des motos devant leur maison située au pied du col du Paradis (nom véridique et double +). Nous repartons en trombe comme il se doit.

Ensuite Couiza, Quillan et son radar. On décidera plus tard d’un code à établir pour la bonne communication de l’information ; un langage simple à base de signes évoquant cercle et doigt tendu.

Enfin sur le plateau de Sault, quelques gouttes de pluie nous accompagnent comme pour annoncer notre venue à Ax Les Thermes non loin de nous désormais. Quelques dizaines de minutes plus tard les motos sont devant le garage de l’hôtel. A peine le temps de s’abriter sous la terrasse couverte de l’établissement et c’est une franche averse qui sonne notre arrivée. C’est ça un plan qui se déroule sans accroc !

La gérante de l’hôtel a pris un coup de vieux, trente ans au bas mot, mais l’agréable brasserie d’en face est toujours là et on pose les bagages pour cinq jours.
La soirée nous permettra de réciter la liturgie classique en entier : apéro, resto, digeo, casino, dodo.

Pyrénées nous revoilà !

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