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Les Pyrénées en Tuono ou la quête du Graal

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Bourrask:
Lundi 13 aout 2018

Les Pyrénées nous attendront finalement une journée de plus.

Ce matin le ciel est gris et bas. Les sommets alentours submergés par une épaisse brume sont invisibles. Pire, les prévisions météo, annonçant des averses à partir de la fin de matinée, nous laissent peu d’espoir d’amélioration. La pluie, à l’encontre de notre plaisir, arrive.

Moi j’ai une combinaison de pluie.

Ouais, parce que y’en a qui parte en trip moto d’une dizaine de jours avec juste rien, pas même un k-way décathlon à déchirer lors de la première bourrasque venue.
OK moi j’ai une surcharge de 15 kilos sur la selle arrière qui fait rigoler les autres avec leur sac à dos de 20 litres, mais le mien c’est un vrai canot de sauvetage. Comme dans la navigation maritime c’est un élément de premier secours dont on espère ne jamais avoir l’utilité mais qui peut se révéler primordial en cas de naufrage.

J’énumère la liste des éléments pour les étourdis qui m’accompagnaient et pour la prochaine édition. Normalement tu viens au moins avec la bite et le couteau comme on dit. Bah Biké lui il vient juste avec sa beuhère !
- En numéro un, la flasque. De whisky de préférence. Ok je l’ai oubliée cette fois et on a pas fini d’en subir les conséquence. Si t’as vraiment rien d’autre avec toi elle te permettra d’effacer momentanément ta déconvenue en attendant les secours.
C’est un serum. Tu guéris tout seul. La moto avec si tu as pris le modèle d’un demi litre.
Option Deluxe : la couverture de survie. Prévient l’hypothermie et accessoirement permet de dormir en attendant la dépanneuse.
- En 2, le scotch. Comme on a pu le voir avant, tu ne répares pas grand chose avec le ruban adhésif mais tu traites l’aspect psychologique des choses. Très important.
- La graisse à chaîne. Tu fais de la moto.
- De l’huile moteur. Tu roules en italienne.
- Un kit anti crevaison. Joker possible, tu changes le train de pneus.
- Des outils. Jeu de clefs BTR, Leatherman, etc. Des outils à fournir à Jean pour qu’il bricole ta moto puisque toi tu sais pas faire.
Option Deluxe : la clef pour desserrer l’axe de roue arrière non fournie avec la moto (merci Aprilia), des fois que t’aurais besoin de retendre la chaine. Mais comme tes pneus ne durent pas plus de 2500 bornes c’est le mécano qui s’en charge en général.
- Des leviers de rechange au cas où la moto tombe toute seule.
Exemple : Tu es devant la porte du garage, la pluie tombe à grosse gouttes et la porte télécommandée à distance depuis l’accueil ne s’ouvre pas d’elle même. Très vite tu perds patience, rien de plus normal. Alors tu sautes brusquement de ta moto pour mettre sa race à l’hôtelière et patatra la moto se retrouve parterre !
- On pourrait rajouter un câble d’embrayage, un moteur de valve d’échappement, un optique de phare complet, un alternateur, une selle garnie en gel, un réglage de suspension et une vidange de fourche, etc. Mais là on emmènerait plus Biké et ça c’est juste pas possible !

Concernant le poste humain chacun déterminera ce dont il a besoin et d’autres plus intelligents se feront livrer un colis avec tout le ravitaillement nécessaire au camp de base.

Aujourd’hui la météo s’annonce pourrie. Heureusement il y a le câble et Eurospub sur toutes les télés de l’hôtel.
Nous décidons après le petit déjeuner de réaliser un atelier lessive à la main pendant la rediffusion du GP moto de la veille. RDV dans la chambre de Seb à 9h30 !

Perso les GP depuis que Rossi n’est plus en position de gagner je m’en bats les couilles. En vérité pas tant que ça, sait-on jamais tout espoir est permis, j’ai regardé les résultats la veille.
Alors pendant l’activité lessive (deux plongées pour trois essorages dans le petit lavabo de la salle de bains) entrecoupée de quatre coupures commerciales d’Europub, je demanderai lors du final de cette course à grand suspense : "Voulez-vous savoir qui l’emporte? C’est mon deuxième pilote préféré !"
Un peu plus je me faisais trucider.

La rediffusion achevée il est temps de décider du reste de notre journée. Un passage par le Pas de la Case était convenu. Et la quatrième dimension s’est ouverte à moi !
Si on prend le train de 11h42 depuis Ax les Thermes on arrive à 12h13 à Foix. A Foix on prend le bus de 13h17 jusqu’à Tarascon où on loue une voiture au Rent Car situé à 20 minutes à pied pour ensuite monter au Pas de la case. Aller-retour idem, à 21h30 on est rentré. Vous en pensez-quoi ?

Moi j’ai une combinaison de pluie.

Après les apéros et resto de midi, ce sera plutôt : « moi j’ai sieste ».

Nous passerons l’après midi à flâner dans les ruelles de la ville imprégnée de cette odeur de souffre de moins en moins supportable. L’après midi se dissipe ainsi entre la paix et l’odeur du pet. Très vite vient l’heure de l’apéro fort heureusement. C’est qu’on bosse dur même sur nos temps de repos !

A l’heure du digestif arrive cette question : « on va où demain ? »

Je réfléchis au quatre road-book prévus depuis Ax les Thermes. Les seuls itinéraires préparés avant le départ. Les 1000 bornes jusqu’ici n’étaient que réminiscences, improvisations et essais. La journée Off de ce lundi nous aura permis, sans doute, de préserver les pneus pour la suite à venir. Le physique ne s’en plaindra pas non plus.
Cette fois-ci point de place au hasard, la déception ne sera pas de mise. Street View m’a aidé aussi. Passé Andorre et une partie roulante, le tracé entre Tremp et Ripoll devrait nous offrir 250 km de routes de folie, du double + au minimum tout du long avec du quadriple + pour le final.

Le matin les qualifs. L’après midi la course.

« Demain on va en Espagne. »

PS : « Moi j’ai une combinaison de pluie. »

Bourrask:
Mardi 14 aout 2018

The big day.

J’apprécie ces petits plaisirs simples qui annoncent une belle journée de moto. Le petit refrain que les moteurs entament les uns après les autres pour un concert de vocalises matinales. Le spectre des sonorités s’étend de l’aigu au grave selon le type de sourdine employée. Depuis sa rupture de valve mon instrument lui est comme sponsorisé par Massey Ferguson. Ses grondements m’évoquent un engin agricole voire un bateau de pêche maritime plus qu’autre chose.

Première enclenchée, gaz. Aujourd’hui nous visons la traversée d’Andorre sans un arrêt shopping au Pas de la Case reporté à plus tard. Ce sera le sud-ouest au plus direct vers les prometteuses petites routes de la carte. La montée jusqu’en Andorre s’effectuera dans une atmosphère fraiche et humide accompagnée d’un brouillard qui s’épaissira à mesure de notre ascension pour disparaître comme par enchantement au passage de la frontière montagneuse. L’épreuve du bouchon automobile habituel et étendu sur plusieurs kilomètres avant le poste douanier me laissera tout le temps de réaliser, une fois encore, que de telles conditions me semblent bien plus périlleuses qu’une arsouille sur route déserte.

La frontière rapidement franchie je retrouve ce sentiment particulier qui m’envahit à chaque fois. Cette impression de quitter le territoire connu, de s’extirper du quotidien. Ce n’est pas très loin. Pourtant le début d’une véritable aventure raisonne dans ma tête.
Je vais faire de la moto dans un pays qui n’est pas le mien, c’est génial !

Viendra ensuite la traversée de la province d’Andorre longue, ennuyeuse et ponctuée d’un grand nombre de radars. La technologie m’agaçant parfois (souvent ?) j’emploierai ici une méthode éprouvée et me fierai à un local pour nous ouvrir la route.
Soudain à l’occasion d’un rond point, Jean m’indique sa pressante envie de culture locale: « Faut qu’on s’arrête boire un café ! »
Alors nous faisons halte dans l’une des dernières stations essence particulièrement bien équipée située peu avant la frontière, pour se ravitailler en essence et se rafraichir. A la vue des portes de l’officine ici présente chez nos voisins catalans, je prendrai la pleine mesure de la politesse de Jean.

https://youtu.be/8bsXIpufoz0

La courtoisie française honorée, nous quittons la station et franchissons la douane espagnole quelques minutes après. Les premiers kilomètres envahis par un trafic routier certain laissent bientôt la place à un réseau déserté et une chaleur agréable à partir de la Seu d’Urgell. Comme l’année dernière le contraste est saisissant entre les deux contrées toutes proches. Enfin arrive la bifurcation pour le col del Canto après les 80 kilomètres inintéressants empruntés depuis le départ de l’hôtel. Place au jeu !

La route grimpe d’un coup et nous offre des points de vue magnifiques sur les reliefs de la Serra del Cardi. Dans le rétroviseur.
Pourquoi on s’arrêterait ? On vient de lancer le jeu!
La descente de l’autre coté du sommet est belle aussi. Plus loin s’ouvre à nous le Vall de La Noquera. Le tracé est large, la visibilité excellente, le bitume parfait et désert. Nous n’avions emprunté que très peu de roulant sinueux jusqu’alors, c’est agréable en conviens-je ici. D’autant que sur le territoire espagnol les appareils connectés des mes compagnons annoncent précisément la position des radars. Parfois la technologie a du bon.

Les kilomètres s’enchainent ainsi jusqu’à Tremp et son lac d’un bleu turquoise splendide. Enfin j’imagine…Un jour on fera ce trip en 125 et on en prendra le temps de s’arrêter pour tout photographier, c’est promis.
Nan, je déconne ! Faudrait le faire à vélo pour être sûr.




Un peu plus loin on s’arrêtera quand même, non pas pour le tourisme mais pour soigner la turista de Jean. Quelques conseils avisés me viennent en tête mais devant une telle implication dans la découverte de la culture locale je n’ose les partager sur le moment.

https://youtu.be/1Klb9_oPS-g

Trêve de plaisanterie, cette fin de matinée marque le début d’une « spéciale » de quasiment 200 bornes depuis Tremp jusqu’à Ripoll. Un enchainement de virages sans temps mort avec juste ce qu’il faut de très courts bouts droits pour se reposer (très) brièvement sur un bitume parfait et déserté. Une déesse routière incarnée !
Dans ces cas là je ne me souviens de rien. Seulement de la symbiose entre le corps, la moto et la route inconnue. Dans ces rares moments, la moto est une drogue. Avec l’impression de voler ou de planer. Mais bon faudrait pas se rater dans le double gauche à flanc de précipice.
Ouais y’a quand même deux ou trois éclairs de lucidités qui émergent par moment.






On aurait pu continuer ainsi jusqu’à la panne sèche mais on décidera de s’arrêter vers 14 h pour déjeuner à l’heure espagnole.
Je ressens une immense déception en lisant la carte du restaurant. Le menu est traduit en français et en anglais. C’est quoi cette arnaque ? Où est-elle l’aventure culinaire ? Nous voudrions ne rien comprendre et rigoler en découvrant les plats mystères commandés. D’autant que je réalise enfin qu’ici on ne parle pas l’Espagnol mais le Catalan. C’est pour ça que je n’avais rien compris l’année dernière… Même les jours de la semaine sur le calendrier au dessus de notre table ne ressemblent en rien à l’Espagnol.

Rassasiés nous reprenons notre perfusion de drogue qui m’avait déjà un peu manqué.
A Berga c’est l’arrivée du gros shoot jusqu’à Ripoll. La route 4+, note maximale possible. Une urgence, une overdose ? Appelez Vincent Vega !


Le Graal se cache derrière ces reliefs.


Le trip sera à peine ralenti sur quelques kilomètres par une voiture de la brigade florale espagnole.
« Non mais la prochaine fois tu doubles et nous attend de voir si le gyrophare s’allume pour suivre. Au pire on ne te connaît pas. » C’est noté.

Les bras tétanisés par les enchainements incessants de virages nous gagnons enfin Ripoll où nous effectuons un arrêt réhydratation obligatoire.
Déjà il est temps de regagner la France via un détour par La Molina et sa station de ski pour rallier Puigcerda et Bourg Madame. Enfin le col de Puymorens avec son tracé extra large de circuit de vitesse nous conduira jusqu’à Ax.

Devant la porte du garage, j’ai l’impression que ma moto ressemble désormais à une épave. En plus du moteur de valve HS je m’aperçois que l’optique avant est cassée depuis l’intérieur et qu’une vis de carénage s’est fait la malle. On dirait la moto de Biké de l’année dernière…

Mais qu’importe. Cette virée tant attendue valait bien tous les sacrifices. Après advienne que pourra.
Car ce V4 est une putain de drogue dure !

Ce que je ne devine pas encore c’est que le meilleur reste à venir.

Bourrask:
Mercredi 15 aout 2018

https://youtu.be/B1c2ukdqxlw

Ce matin mes sous-vêtements étendus à sécher dans la chambre depuis deux jours sont enfin secs. Hourra !
Cela dit j’enfile la même sous combinaison que la veille, non lavée…parce qu’elle est super bien ! C’est l’Alpinestars Ride Tech Summer si vous voulez savoir. Judicieusement aérée, sans couture et sans fermeture éclair, elle s’enfile par le haut tel une grenouillère babygro. Confortable et respirante elle est très agréable à porter sous la combi cuir.
Voilà c’était le placement produit sur un médium de large diffusion pour récupérer quelques brouzoufs.
Je précise aussi que je suis ouvert à tout partenariat éventuel avec un marketeux de l’industrie du tabac, de l’alcool ou de la pétrochimie ; cela ne me poserait aucun souci d’ordre moral.

A 9h, comme tous les matins je retrouve ma bande de potes devant le garage. Enfin en partie. Jean et Seb d’abord. Ensuite comme tous les matins, à trois, nous attendons Biké.
En général quand il se pointe nous sommes équipés et prêts à partir, les chaines sont graissées et le matériel rangé; lui se roule une clope avec le sourire.
Oui ! Il sourit.
Sûrement savoure-t-il ces quelques minutes apaisantes avant le long supplice de la journée, ces derniers instants où un vestige de communication neuromusculaire semble encore traverser faiblement sa grande carcasse courbaturée de la veille.
Très vite le gaillard reprend ses esprits.
« Mais moi aussi il faut que je graisse ma chaine. Elle est où ta graisse Quentin ? Et t’as pensé à prendre de l’huile moteur j’espère.»

Comment te dire ? Ah si :
https://youtu.be/iGJgyuAu6eo

Mais on l’adore ! Alors le soir on encourage notre valeureux et méritant Biké à monter sur la plus haute marche du podium, à rentrer sa moto en premier dans le garage. Ainsi le lendemain on pourra sortir les nôtres sans le maudire pour ensuite se foutre gentiment de sa gueule. C’est ça, peut-être, l’esprit motard.

Avant le départ viendra le contrôle visuel de l’état des pneus, et pour certains l’opération consiste quasiment à opérer un toucher rectal de l’engin. Bref les pneus commencent à tirer la gueule. On évitera le comparatif Michelin versus Pirelli puisqu’on sait tous qui l’emportera. Seulement Seb est en Michelin, nous autres sommes en Corsa II.  Pour ma part j’en conclue qu’il devient nécessaire d’engager le mode enroulé pour espérer atteindre le terme du voyage sans passer par la case « changement de pneus ». Enroulé dynamique cela va sans dire. La souplesse à la remise des gaz n’excluant pas les entrées en courbe impromptues.

C’est bon, on peut y aller ?

Gaz pour Tarascon via la N20. Je n’avais pas réalisé sur la carte. Petite pensée à Jean Yanne, encore. C’est un vieux skecth, une vielle époque ; aujourd’hui la modernité. Seb nous ouvrira la route à la moindre alerte sur son smartphone et ce jusqu’aux portes du parc de la préhistoire ariègeois qui me fera m’interroger sur la véracité de notre continuum espace temps.

https://youtu.be/mfKl4exMvyU

A Tarascon nous bifurquons pour le col de Port. Ca tourne serré, y’a plus personne, on retrouve enfin notre routine quotidienne avec bonheur.
Une vingtaine de kilomètres plus loin le sommet et son point de vue panoramique sur les chaines montagneuses alentours est l’occasion de marquer le premier arrêt photo de la journée. Au même endroit que l’année dernière comme le veut notre pèlerinage. Aussi la vue sur le pic d’Estibat et derrière lui la frontière espagnole est l’occasion de se remémorer certains moments historiques de la seconde guerre mondiale. La culture et son partage sont des valeurs qui cimentent notre groupe.






Version alternative peu probable.
J’ai envie de pisser depuis un quart d’heure mais s’arrêter au milieu de tous ces pif-paf, épingles et enfilades serait un sacrilège qui reviendrait à tuer la montée fantastique. En haut je me rappelle qu’il y a un parking, Biké sera content de prendre des photos.
Biké : « Oh Quentin tu pourrais te renouveler un peu, on s’est déjà arrêté ici l’année dernière. »
Moi : « Non mais y’a qu’une route ici. Et la descente comme la montée est terrible. On s’arrêtera pas. »
Seb : « Non mais qu’est-ce qu’on se fait chier ici ? Ces paysages dégueulasses, ce ciel bleu et ces virages à perte de vue ! Hein, pourquoi ? Bordel De Merde ! »
Jean : « On s’en bat les couilles ? »
Si on croise un groupe d’Allemands en 1200 GS on les défonce !

En vérité le sketch s’est étendu sur 10 minutes et presque je me serai pissé dessus !

Dans cette bonne ambiance nous enfourchons nos motos pour la fameuse descente qui nous amènera, tout en bas des reliefs, vers une route de gorges totalement jouissive entre Massat et Oust. Double + !

A Oust deux éventualités s’offrent à nous. Soit on tire tout droit jusqu’à Seix ; soit on fait le tour de la montagne et on arrive par derrière (sic).
Je décide de la temporalité des évènements, je suis comme ça... Nous n’irons pas en Espagne comme le road book initial le prévoyait, personne n’ayant l’envie d’achever la journée par la traversée d’Andorre. La journée restera française en totalité. Et puis le coup de la boucle de 50 bornes dans un rayon de 5 kilomètres, je l’adore! Si ça se trouve ils ne comprendront pas.

Finalement je n’aurai plus aucun secret pour mes compagnons de route. Tous auront compris la supercherie avant même la fin de la boucle. A l’avenir il faudra trouver de nouveaux stratagèmes.

Vers midi quelque part sur le col de Mente, vient l’heure de la pause déjeuner. Pour une fois on s’arrête tôt, pour une fois j’innove. Bah oui je pense à Biké moi comme toujours.

Bienvenue au Groland.
Un reportage détaillé pourrait s’étaler sur deux pages tellement matière il y aurait à décrire. Finalement ce souvenir n’ayant globalement que peu d’importance je me contenterai des punchlines du sketch qui nous a été joué.
Je passe ainsi l’apéro commandé servi 20 minutes plus tard alors que nous sommes à ce moment les seuls clients ; la carte présentée sur papier A5 lignes quadrillées avec menu unique à 20€ à régler en espèces uniquement; le «J’ai de la cote de porc aussi, mais il ne m’en reste qu’une » ; le panneau parking « Ferrari only » ; le couple arrivé ensuite qui attendra lui aussi un quart d’heure sa commande de boisson ; tout comme les malheureux trois autres clients suivants.

Numero uno / on est là depuis 45 minutes, le patron s’adresse à nous :
« Je voulais savoir si vous vous vouliez manger maintenant, parce que moi je suis prêt ».
On espère qu’il parle du service. L’unique entrée, une assiette de charcuterie, arrivera 10 minutes après. C’est pas mal mais on devine que c’est juste l’introduction.

Number two / High level.
A ce moment il n’y a que nous quatre, un couple arrive. A l’intérieur une douzaine de tables est dressée et autant de possibilités sont offertes sur la terrasse où nous déjeunons.
Le patron l’air grave s’adresse à ses nouveaux clients :
« Pour boire un coup c’est possible. Pour déjeuner il ne reste plus grand chose à la carte. On va voir ce que l’on peut faire… mais je ne vous cache pas que cela va être compliqué. On va faire le maximum ! »
Là on a bien envie d’applaudir.

Numéro trois, LA blague. LA vanne du spectacle.
La femme du patron propose les desserts, le dessert. Un crumble de pommes comme choix unique vanté avec la formule magique :
« Vous ne le regretterez pas ! ».
Direct le ton employé m’a fait pensé à ça, vraiment :
https://youtu.be/UK-XrKAjvnQ

La « chose » présentée n’est qu’un amas indescriptible littéralement jeté dans ce qui s’apparente plus à une sous-coupe de tasse à café qu’autre chose.
On laissera à Jean le soin d’assurer, seul, le rôle d’Antonin.

15h. La chute. Le clou du spectacle. J’ai nommé l’addition !
On aimerait discuter le décompte des quatre menus complets pour seulement une entrée, quatre plats et un dessert. Peut-être aussi obtenir une facture avec le cachet en bonne et due forme de l’établissement ; pour rigoler.
Alors la matrone nous sert sa ruse la mieux ourdie :
« Vous avez raison. Mais j’avais oublié de vous compter les cafés. »
Et ça va couter plus cher ?

Bordel que j’eusse aimé foutre le feu à son établissement avec ma flasque de whisky et lui tatouer le front de l’infâme triangle rouge !
Au final, affranchi de notre dette on se casse enfin. Alléluia !

Pourtant à peine quelques kilomètres parcourus et je suis comme touché par une malédiction.
Les cartes me trahissent. La lecture des parchemins (ouais ma carte est annotée, pliée et repliée comme du papyrus, d’où la métaphore avec l’Egypte, le médiéval, Pulp Fiction et Marcelus Wallace https://youtu.be/A6zqu_9Sb7w, parce que toutes ces conneries sont liées) habituellement facile me devient obscure et me ramène inéluctablement à notre point de départ comme par enchantement.
Putain de sorcière ! On retourne là bas et on brûle tout !

Au lieu de cela je sacrifierai mon âme (encore une fois) sur l’autel de la technologie.
Alors j’appellerai à l’aide Seb et son GPS.
« Je ne trouve pas la route de Fronsac, faut que tu m’aides avec ton smartphone. »
Une pensée m’accompagne en même temps: Non mais sans déconner, on y retourne et on brûle toute la famille de cette tepu.

Comme par magie le sort qui condamnait la route de Fronsac s’envola avec l’aide du mage que les autres nommaient « Waze ». Je ne le connaissais pas ce Waze mais déjà je ne l’aimais pas.
Mais je lui ai quand même mis sa race à leur Waze.  Avec ma carte Michelin. Autant pour les pneus je suis Pirelli voire Dunlop autant pour les cartes et les guides culinaires je reconnais qu’il n’est pas mauvais le bibendum.
Depuis la dernière bourgade du coin au nom imprononçable « Sèngouagnet » jusqu’à Girons j’engagerai le mode tout droit sur la carte. Départementale perdue, chemin gravillonné ou route vicinale de 1,5 mètres de large tout y est passé pour rejoindre au plus court notre destination.
Alors où est-il votre« Waaaazzze » ?

Une dizaine de bornes avant Girons nous bifurquons sur la nationale. C’est aussi ça le jeu du tout droit, du tracé au plus court. Sur cette courte liaison insipide, la malédiction aura pourtant frappé encore. Cette fois-ci une automobile. Autant dire qu’on « s’en bat les couilles ». Sauf peut-être des deux charmantes demoiselles au teint halé et à la jupe courte. La valise sur roulettes en main, les yeux hagards emplis de l’air perdu du touriste loin de chez et lui faisant face à l’imprévu, le regard trahissant un « mais qu’est-ce que je fous là ? »
Et on se le demande à la vue de cette scène improbable. Malgré la dépanneuse et le déploiement de gendarmes leur voiture reste à moitié immergée dans l’étang jouxtant la ligne droite de cette cuvette dessinée par la route.

Quel enseignement tirer de cette expérience?
A – La nationale c’est le mal. Comme maintes fois nous l’avons déjà démontré.
B – La voiture va beaucoup moins bien marcher qu’avant.
C – On s’en bat les couilles ? Ne faudrait-il pas porter un «vrai» secours ces charmantes demoiselles?
D – La réponse D.

La conscience chacun pour soi, la route du retour vers Ax nous appelle.
Et le bis repetita avec la route de gorges du matin, en sens inverse cette fois ci. Rond point du départ, une garnison de gendarmes à pied s’affaire à la circulation. La ligne de départ franchie, c’est gaz !
Deux bornes plus loin une estafette de la gendarmerie nous bouchonne. Evidemment me revient en mémoire le conseil de la veille de mes fidèles amis. Non mais la prochaine fois tu doubles et nous attend de voir si le gyrophare s’allume pour suivre. Au pire on ne te connaît pas.
Au moment même de sonner l’assaut la voiture bleue s’exfiltre sur un aléa de la route. Je suis presque déçu. Plus loin Seb nous affranchira de la situation.
« Les bleus se sont écartés pour nous laissés passer. Et t’as vu la blondine gendarmette au rond point nous faire de grands coucous ? »
Non mais vas chier avec ton Waze et tes amis! Putain de vendu de capitaliste de merde !!!!

La route de gorges à peine gâchée par les copains de Seb nous conduira néanmoins jusqu’à Biert.

Ici s’engage le début d’une routaille comme on en fait peu.
Dix bons centimètres de graviers jetés sur la route sans bitume dessous parce que sinon « ça grip encore trop », et ça coute cher… La DDE locale doit avoir le même slogan que le notre « on s’en bat les couilles. » De toute façon y’a jamais personne qui passe par ici.




Malgré les pièges tendus et les kilomètres d’épais graviers nous arriverons à rallier le sommet du col de Crouzette, sains et saufs. Biké un quart d’heure après nous cela va sans dire.
En tout cas c’est ce qu’on lui avons affirmé.



La descente se fera sur un revêtement sans encombre jusqu’à Foix, pour rejoindre la nationale jusqu’à Tarascon puis Ax.
Y’a deux ou trois excités qui n’ont pas du bien comprendre Jean Yanne… La nationale ce n’est pas fait pour rouler à plus de 200 normalement. Leur pote Waze est de la partie aussi.
En fait je commence à l’aimer. Un tout petit peu. Mais promis juré demain je lui mets définitivement sa race à ce gros bâtard.

Bourrask:
Jeudi 16 aout 2018

https://youtu.be/ZLlLtSG7xe4

I wanna be sedated.
Le clip illustre à merveille mon état au petit déjeuner. Surtout les paroles m’évoquent Biké. Je le vois et cette chanson raisonne dans ma tête. Je l’entends et je pense à lui. C’est SON thème musical ! Comme dans les films de DC quand le super héros fait son entrée à l’écran. Dans notre cas ce doit être le Dark Knight Returns de Franck Miller. Le bonhomme a du vécu, le costume aussi. Peut-être la délocalisation de l’intrigue sur le vieux continent modifie la perception. Ici l’horizon est parsemé de sommets montagneux, pas de gratte-ciels. Pourtant non loin s’érige une cité à la mesure de notre héros.
Ses combats contre des super vilains comme Miss Gravette, Big Stone et autre Vicious Corner lui ont laissé quelques stigmates même si à chaque fois il s’en est relevé victorieux. Alors après toutes ces aventures SuperBiké aurait certainement besoin d’un nouveau costume.
Ainsi ce matin nous prenons la route pour l’Amérique des comics. Là où le béton reprend pleinement ses droits sur une nature aveuglante, où les lumières des panneaux publicitaires éclipsent le soleil, où les moteurs des automobiles, engluées dans un acte processionnaire, tournent au ralenti en exultant le carbone, la promesse d’un paradis bon marché à la clef.


Le Pas de la Case ou une certaine vision de l’enfer.

https://youtu.be/Y3k5atJ7kh0

Nos impératifs mercantiles atteints, SuperBiké rééquipé de pied en cape (nan je déconne, seulement le collant sous la cuirasse démolie fût remplacé) nous quittons enfin ce sommet des vices pour des contrées moins touristiques sans avoir céder, je le précise, à la tentation du cancer et de la cirrhose à moitié prix. De l’autre coté de la frontière nous attend notre véritable mission: combattre une armée de virages et faire triompher la ligue des Tuono (rien que ça).
Le premier champ de bataille espagnol nous est connu. La mythique route 4+. Reconquise deux jours auparavant comme lors de notre campagne précédente. Aujourd’hui nous marquerons le territoire et établirons les frontières, et peut-être même un poste avancé hospitalier si Biké usait à nouveau de son terrible et légendaire super pouvoir communément surnommé The Fall.

Pour l’heure il est temps de s’engouffrer dans le Tube, un artifice routier qui nous permettra de rejoindre les alentours de Berga, à 88 miles à l’heure au moins. Au sortir de cette brèche de l’espace temps, facturée 20 € chacun, ce n’est pas le Doc qui nous attend mais une descente au tracé extra large comme piste d’atterrissage vers une vallée aride aux allures de décor de western.

De prime abord il est vrai ça glisse un peu, mais il n’y a pas d’indiens c’est déjà ça!
D’aucuns diront que la route était verglacée en ce mois d’août…sans doute sensibles au décalage temporel voire sujet au syndrome de la gonzitude. Que mes acolytes changent de genre cela ne me dérangerait pas outre mesure mais une inquiétude me taraude l’esprit: vont-ils se transformer en mouche ?

https://youtu.be/h_U4Y2kaN5w

Enfin arrive Berga et la même route que mardi dernier, sans voiture de la brigade florale cette fois.
Quarante kilomètres de droite-gauche-droite. Quarante kilomètres qui en paraissent le double tellement le tracé est saturé en virages. La reco précédente, si elle ne nous a pas permis de mémoriser ce Graal routier, nous en a dévoilé quelques pièges et nous incite à remettre encore un jeton dans la machine. Alors gaz ! Vers l’infini et au delà. Ou en mode Rammstein à fond dans le casque pour Seb.
Enfin c’est ce qu’il nous affirme écouter. Mais je sais très bien quel haka le motive en réalité :

https://youtu.be/-l3EGGfxIz0

A mi conquête du Graal, j’avais prévu de bifurquer sur une départementale en direction du sud pour explorer de nouveaux territoires. Pourtant tout du long j’aurai ce dilemme dans un coin de l’esprit : poursuivre l’extase de la route 4+ jusqu’au bout une deuxième fois ou bien mener une nouvelle quête vers d’incertaines contrées. Le carrefour des possibilités à vue j’opterai vaillamment pour l’aventure. Une décision à peine soufflée par mon physique quelque peu entamé par ce tracé infernal.

D’un coup nous sommes aspirés par un vortex pourtant invisible jusqu’alors. Malgré les quelques passages effectués dans les environs il était resté tapi dans l’ombre attendant patiemment que son champ gravitationnel nous attire dans son cœur piégeux. A ce moment précis nous tombons dans un véritable trou noir.
Entre Rocatrencada et Alpens d’après la carte la liaison est courte. Ici le temps et l’espace sont distordus, la matière compactée à l’extrême. Aucun semblant de ligne droite, les virages s’enchainent à l’infini dans une densité incroyable avec le sentiment que les distances sont multipliées par quatre et le temps ralenti de la même façon.
Quand on sortira d’ici notre époque aura évolué sans nous ! Les Aliens dirigeront le monde avec leur technologie avancée, les motos seront bardées d’électronique, la navigation sera assistée par Waze, la vitesse limitée à 80 km/h, et peut-être même aurai-je un IPhone.

La traversée du trou noir fut éprouvante physiquement mais l’extase provoquée grandiose, amenant avec elle la note ultime 5+ si l’on devait la qualifier. Alors que dire de cette nouvelle réalité du continuum espace temps en notre absence à part « on s’en bat les couilles » ?

Aussi une longue absence induit certains besoins.

https://youtu.be/YewcrxOQNvk

Pour assouvir nos autres obligations nous faisons halte dans un restaurant à Ripoll.
Le menu est en catalan, on ne comprend rien, c’est super !


Y'en a un qui s'est cru sur sur Insta ou quoi?

Le chemin du retour vers la frontière nous conduira d’abord vers un nouveau spot local, une découverte enocre. A chaque fois par ici on en prend pour quarante bornes minimum ! Le début sera poussiéreux, l’adhérence un peu précaire mais la fin digne des meilleures impressions de ce voyage (4+ largement mérité).
Ensuite en sens inverse du matin la route pour le tunnel avec toujours les mêmes effets sur les systèmes APRC. J’en conclurai que l’électronique doit avoir un impact direct sur le changement de genre du pilote.

Enfin Bourg Madame est à l’horizon. La sensation de retrouver la chère patrie est aussi émouvante que de partir à l’inconnu. Cette impression du territoire familier, d’être presque chez toi alors qu’en fait tu en es loin, je l’aime beaucoup.
On est bientôt arrivé les gars ! Seulement 1000 bornes de virolos et on est rentré à la maison, alors maintenant on peut mettre gaz en grand!
Et fuck les statistiques qui avancent que les accidents routiers ont lieu très majoritairement dans un rayon de 80 kilomètres autour de chez soi. On ne roule pas dans ce cercle, rien ne peut nous arriver ! Sauf si SuperBiké use de son super pouvoir, on est d’accord.
Une précision concernant les roulages frontaliers. En territoire étranger on a le droit de rouler vite parce qu’on est Français. Là bas les limitations sont faites pour les autochtones. Coté français de la frontière on a le droit de rouler vite parce qu’on est chez nous, les limitations sont faites pour les touristes étrangers. Cette règle j’y crois dur comme fer.

Font-Romeu Odeillo-Via, c’est en France ou en Espagne ?
On s’en bat les couilles !
L’horizon me confirme que nous sommes bien en France avec tous ces nuages noirs accrochés aux sommets montagneux, la pluie comme promesse. Mais là y’a pas moyen ! Ma combinaison de pluie est restée à Ax.
Alors vient le moment opportun d’user de mon super pouvoir. Et celui-ci n’est pas d’accomplir une boucle de 100 bornes juste avant le retour à l’hôtel alors que l’on pourrait terminer l’étape en à peine 20, on est d’accord.
Oh précieuse carte, dis moi quelle direction suivre.
Alors j’interroge les massifs alentours, détermine la direction du vent et la pression atmosphérique à l’aide de mon seul index, calcule les probabilités et les chances de réussite. Mon cerveau suralimenté analyse tous les scénarios possibles.
Alors ? Je le mets pas définitivement minable l’infâme Waze ?
En vérité je fais comme Rahan avec son coutelas, le hasard décide pour moi. Quand mes compagnons m’interrogent je leur réponds d’un air assuré l’index pointé vers le premier sommet aperçu (c’est le plus important l’assurance): « On va par là ! »
De toute façon il n’y a qu’une seule route possible désormais, mais ça je ne leur avoue pas.

Convaincus nous repartons pour le col des Harès (est-ce un signe ?) jusqu’à Quérigut où nous poursuivrons notre route en direction d’Ax par une route à chèvres.
Le col de Pailhères.


Cette photo provient de mes archives. 2006. Des baltringues je vous dis. La route n’a pas changé.


A l’instar du col descendu moteurs coupés dans le brouillard l’année dernière, celui-ci nous rappellera de grands moments de routaille perdue. Le tracé relativement large au départ s’étrécit à mesure que la montée s’accentue et que le nombre d’épingles augmente. A chaque fois plus rapprochées les unes des autres elles auront mis à rude épreuve l’embrayage de nos motos.
Qui osera affirmer avoir passer la seconde ? La première était déjà compliquée.
Aussi on apprendra plus tard le thème musical de Jean, trahi par sa Go Pro à fredonner cet air :

https://youtu.be/0J2QdDbelmY

L’alunissage au sommet des 2001 mètres du col s’effectue vers 18h30 heure locale. Le plafond est bas, la couverture nuageuse épaisse mais la pluie est absente. Mission accomplie. Notre odyssée de l’espace s’achève.





Ces photos ont été prises par moi contrairement à toutes les précédentes. Voyez à quelle bassesse je dois me résoudre.

La présence de quelques équidés nous indique que nous sommes de retour sur Terre. La définition de l’époque demeure incertaine. Nous les dépassons sans un bruit pour redémarrer plus loin les moteurs. Aux pieds des reliefs la route de gorges sonne comme une invitation aux hurlements de V4.

Ce matin le meilleur des mondes était. Ce soir est-il toujours ?
Le Roc de la Vierge d’Ax les Thermes domine-t-il toujours les hauteurs ou est-il désormais enseveli sous le sable ?

Moi je veux des singes ou des zombies à écraser!

Bourrask:
Vendredi 17 aout 2018

Journée off.

La décision est prise à l’unanimité de laisser les motos aux garages aujourd’hui. D’une part la météo est médiocre et d’autre part l’état des pneus laisse planer l’incertitude quant à leur durée de vie restante. Encore deux journées et 800 kilomètres environ, ça devrait le faire mais il ne faudra pas leur en demander plus.
Ou alors :
https://youtu.be/N_k8lcqs7tE

Pour se consoler et parer aux éventuels regrets on picolera toute la journée !




Samedi 18 aout 2018


La fin de notre périple est proche, une semaine complète s’est déjà écoulée. Aujourd’hui nous entamons la route du retour.

A 9h comme à notre habitude nous décollons. La température matinale est fraiche, la route partiellement humide mais le ciel est d’un bleu limpide. Nous rejoignons Quillan en empruntant une partie de la retour de l’aller en sens inverse avec les cols de Chioula, de Mamare, et des Sept Frères jusqu’au plateau de Sault. Ici le thermomètre remonte comme pour annoncer la descente des cols de Coudons et de Portel. La dernière portion menant aux portes de Quillan est un véritable appel au crime avec son large tracé tout en enfilades et son bitume parfait. Alors gaz !
Mais au fait y’avait pas un radar qui prenait dans l’autre sens ? Donc dans notre sens cette fois-ci ! A l’aller je ne l’avais pas vu.
Et je ne le verrai pas non plus aujourd’hui.

Nan mais il où Waze ?
L’unique fois où j’aurais véritablement eu besoin de lui il n’était pas là ! Waze t’es qu’une baltringue !
A l’heure où j’écris ces lignes aucun courrier n’est arrivé dans ma boite à lettres. De toute façon il était difficile de réaliser de gros excès sur ce ruban qui serpente au milieu des reliefs surplombant la bourgade (ou alors revoir la vidéo du vendredi). La prochaine fois on essaiera de passer plus vite pour étoffer la galerie de photos souvenirs si chère à Biké.

Quillan conquis, la carte mène au col du Paradis annoté double + et déjà emprunté à l’aller. Les parages doivent évoquer quelques souvenirs à mes acolytes parce que derrière ça pousse au cul ! Même si je me serais volontiers laissé tenté par la route du Paradis nous l’abandonnerons à ses portes même pour l’enfer de la routaille.
Le quatrième road book que nous n’avons pas accompli devait être une journée spéciale routes à chèvres étendues entre le plateau de Lacamp au nord et le pic du Canigou plus au sud avec ses cols en pointillés rouge et blanc sur la carte. La faute à la météo ou à notre capital pneus dirons nous. Ca fera une bonne excuse pour revenir l’année prochaine.
En attendant je veux découvrir une partie des routes perdues de l’Aude et respirer cette poussière ocre rouge qui s’effrite de ses reliefs. A Arques on prend à gauche.

Débute alors une navigation toute en improvisation.
L’objectif est de traverser le plateau de Lacamp au plus court. Il n’est pas question d’exploration ou de quadrillage de zone, un simple aperçu des lieux suffira. En général à ce jeu là il faut toujours avoir un à deux coups d’avance sur les changements de direction pour conserver une conduite fluide.
Mais dès le premier je perds le nord.
Un néant d’anticipation sur une mer de possibilités conduit au naufrage.
A la deuxième intersection la carte me devient indéchiffrable, je suis à l’ouest.
Hors de question de sortir Waze de son cachot. Une seule possibilité en pareil cas, la solution des Anciens sans carte et sans boussole : tirer des bords. Une fois à gauche, une fois à droite, bon an mal an ça va tout droit. De toute façon cela m’étonnerait que les trois autres aient compris que nous venions de pénétrer dans le triangle des Bermudes et sûrement doivent-ils s’extasier sur mon génie de la navigation. Pourtant cette fois c’est un chant de sirènes qui nous dirigera dans une tempête de routes sinueuses oubliées. La boussole retrouvée, elles nous délaisseront comme des naufragés à l’entrée du col de Taurize, face à des gardiens aux allures de Centaures.
En fait une table en travers de la route avec trois pélos assis derrière. Mais la mythologie en pâti.
D’un simple geste interrogatif de la main la voie nous est ouverte, pas même besoin de tomber la première dans ce gauche serré, on continue sur notre lancée en espérant ne pas se retrouver nez à nez avec un peloton quel qu’il soit.
Quelques hectomètres plus loin et un panneau « demi tour » de compétition, on devine que la route ne sera désormais rien qu’à nous. D’abord étroit et défoncé le ruban noir en sous bois, que l’on devine d’emblée peu emprunté, nous conduit rapidement vers une vue dégagée sur de sauvages paysages exaltant cette odeur si particulière du sud.
Ne faudrait-il pas s’arrêter pour immortaliser l’instant en photographie ?
De ces moments on ne peut pas en capturer la perception complète. Alors à quoi bon en posséder un pâle souvenir, qui très vite sera lointain, au détriment du déroulement des sensations instantanées qui restera, lui, plus profondément gravé ?
On s’en bat les couilles ?
De toute façon j’ai Seb au cul ! Les tergiversations sont courtes, alors gaz !

Au bout de la route on finira par regagner enfin un semblant de civilisation que l’on quittera aussitôt pour franchir la montagne d’Alaric puis la montagne Noire du Minervois qui nous séparent de St Pons de Thomières.

S’en suit un arrêt déjeuner sur la place de St Pons à l’ombre de ses platanes.
Jean profite de l’occasion pour téléphoner à tous les bouclards et autres grandes enseignes alentours  dans l’espoir d’un changement express de son pneu arrière non loin de l’agonie. Un samedi 18 août la quête s’avèrera peine perdue. C’est ici que l’on se rend compte de l’importance de la gestion du capital pneumatique. Si tu veux gagner la course il faut d’abord être en mesure de rallier la ligne d’arrivée.
Je vous laisse deviner la conclusion.
Allez, pour le plaisir: on s’en bat les couilles !

Et nous voilà déjà repartis pour Lamalou les Bains, point de départ de La Boucle Magique. 60 kilomètres que l’on finit par connaître mais qui s’avèrent toujours aussi grandioses. Aux trois quarts de la « spéciale » nous sommes contraints, à Avène, de nous arrêter. L’intervention des pompiers qui obstrue la voie principale est l’occasion de se désaltérer, pour patienter. Et quel meilleur endroit que la Cour des Miracles ?

On a du s’absenter plus longtemps que je ne l’imaginais durant notre voyage temporel en Espagne. Et on se s’était encore rendu compte de rien 28  2 jours plus tard…
Tout le monde a l’air malade, même les enfants, dans cette ville de cure.
On l’avait bien dit pourtant ! Quand on part à moto, on ne parle pas d’hospitalisation (sauf Biké qui ne craint rien) et on n’évoque pas même l’idée d’accident, ça porte le mauvais œil. Alors virez moi tous ces malades !
C’est de l’humour noir. La vision était assez triste.

A choisir, aux morts vivants je préfère le monde de Mad Max. Je suis l’Aigle de la Routeeee !!!!
En vérité je suis plutôt lièvre. Ou lapin. Mais je le vis bien.
Après le passage d’un cortège de mariage suivi d’une estafette de gendarmes, la voie libre, on s’arrache enfin.


Mode V8 Interceptor

Avène – Lunas. Gros gavage.

La descente sur Lodève. Pas plus qu’à fond. Le triple virage serré est moins impressionnant en descente, la lecture de la route étant bien meilleure. J’aurais préféré éviter la surprise du genou gauche qui frotte alors que je ne déhanche pas vraiment et que je ne cherche pas du tout « à poser », mais bon c’était marrant. Suis-je redevenu jeune ?

Interlude à Lodève.
A la faveur du ravitaillement en essence, la malédiction du triangle rouge frappa de nouveau. Cette fois Seb en fût la victime.
« Non mais c’est juste une ampoule de clignotant. » Nous annonça-t-il, rassuré.
Je n’irais pas dire que j’étais déçu, mais j’aurais bien dégainé mon rouleau de scotch noir...

Montée du Bout du Monde.
Gavage encore et encore, c’est que le début d’accord, d’accord. Soit disant Rammstein pour la bande son…Mais on connaît désormais les préférences des protagonistes. Je crois qu’ici mon pneu avant rendra une partie de son âme.

St Maurice de Navacelles jusqu’au Vigan, une véritable planche du JBT : « T’attaquais toi ? »

La montée depuis le Vigan jusqu’au Mont Aigoual façon je donne tout. Le pneu avant aussi. A droite ça ne grippe plus du tout comme avant. On avait pas parlé de gestion de capital pneu plus tôt ?
Le sommet avant la bifurcation pour Dourbies marque le dernier arrêt de la journée. Totalement déshydraté, j’ai bien envie d’affirmer à Seb « qu’on s’est bien trainé la teub pour monter » mais la soif est plus forte. Et puis il faut que je fume une clope ou deux aussi pour me remettre de mes émotions.

Dernier galop jusqu’à notre hôtel de Dourbies. Si la route nous avait paru incertaine quelques jours auparavant ce soir la vision dégradée par les rayons de soleil en pleine visière nous désinhibe complètement. Quand tu ne vois rien, c’est qu’il n’y a rien à voir. Un peu comme le scotch noir sur le voyant rouge. Et miracle on arrive à l’hôtel vivant !

https://youtu.be/I1EFYiVKcok

Après les apéros et le resto viendra l’heure du digeo devant les films de la Go Pro projetés sur l’écran géant de l’hôtel.
Pour le prochain trip on partira tous avec une caméra c’est décidé. Les images filmées sont plus proches des sensations vécues, surtout il n’y aura plus aucune raison de s’arrêter sauf pour le plein d’essence.
Elle est pas belle la vie ?
Peut-être un plus encore pour Seb qui retrouve, après toutes ses aventures, sa cuisinière éperdue.
Comme dans les contes de fée ils se marièrent et vécurent heureux.

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