Roulage > Route

Les Pyrénées en Tuono ou la quête du Graal

(1/11) > >>

Bourrask:
Réactivation

Allez je me lance.
Le récit qui va suivre je l’ai déjà posté sur un autre forum très restreint et sous une forme un peu différente. En mémoire des sorties V60 «01,38,73,74», je me sentais obligé de le partager ici puisque notre petite aventure est 100 % Aprilia ;).


Sacré Graal

La quête du Graal fût entamée il y a quelques années déjà.
Tout juste conscientisée elle me conduisit d’abord à travers les Alpes au cours de quatre campagnes alpines successives menées vers l’Est, vers l’Autriche. Puis cette recherche désespérée me ramena au Sud sur les terres cévenoles à l’endroit même où apparurent jadis les premières visions du mythe. Les années passant la carte méridionale française explorée, c’est de l’autre coté de la frontière des Pyrénées que la réponse tant convoitée se révéla enfin.

Le Graal existait.

Ainsi après dix années d’errance, la récompense consommée, la quête prit fin.
Jusqu’à un certain soir du mois de Mai.
Biké fût l’élément déclencheur de la réactivation du Graal, de notre trip dans les Pyrénées. Enfin c’est ce que l’on lui fit croire…
Désormais le V4 a supplanté le V60. Les temps changent, le mythe perdure.



Flashback



Fight Club

Fin mai.
Hôtel La Patache, la voie de stands de la Corniche des Cévennes. Le terme de notre week-end prolongé est proche, trois journées sur quatre sont accomplies, surtout c’est notre dernière soirée en terrasse sous le ciel cévenole étoilé. Plusieurs tournées de poire ingurgitées, la dernière devant nous, Biké nous lance :
« Et si on remettait ça ? »
Ouais mais ailleurs, plus loin, plus longtemps. Mon instinct se réveille.

Jean m’avait parlé des Pyrénées françaises, de son envie de relier la Méditerranée à l'Atlantique « tout par la montagne ». Moi cela faisait trois ans que je rêvais de retourner rouler sur ce spot incroyable là bas de l'autre coté de la frontière en face de Perpignan. Et puis tous les échos étaient unanimes, les Pyrénées espagnoles étaient décrites comme le Saint Graal de la moto. Il fallait vérifier cette légende pour de bon, voir de nos propres yeux.

Alors banco pour les Pyrénées ! La France à l'aller, l'Espagne au retour.
« C'est ton idée Biké, t'es obligé de venir ! Croix de bois, croix de fer.»

Alors nous nous préparâmes.
Jean et moi surtout. Biké lui n'eut pas cette chance. Sa chute en Espagne début juin le contraignit au repos pour quelques semaines (ainsi dit ça fait genre…La cruelle vérité est tout autre. En route pour rejoindre Barcelone et le spectacle de Moto GP son élan fût stoppé net sur une plaque de gravier à hauteur du Puy en Velay. C’est sûr que c’est moins classe que Barcelone).
Moi il me fallait juste deux inconscients pour cette aventure.
Jean m'avait deviné bien entendu, Biké un peu moins. Pourtant la logistique fut étudiée avant le périple.

« On part en Supercorsa raides neufs et on remplacera à mi chemin avec rendez vous préalable. »
« Et les pneus pluie ? »
Gros fous rires de débiles, pas si inconscients que ça, quand nous discutâmes chez Jean.

Au final nous convînmes d’une aventure réfléchie et de partir avec des gommes susceptibles de réaliser le trip en entier. Du Rosso 3 à priori.
Deux trips dans les Alpes au mois de juillet et deux trois petites sorties pour valider mon choix. Hors de question de partir avec des pneus que je ne connais pas pour une telle aventure.
Dix jours avant le départ. Allo Max.
Le Rosso 3 est en rupture de stock, reste que du Supercorsa ou du Rosso Corsa.
Va pour le Rosso Corsa, c'est ce que j’utilise habituellement.
J’étudie mes stats, 2500/3000 avec de tels pneus ça devrait le faire sur un mal entendu. Si on fait un peu moins de bornes que prévu peut-être même qu’ils m’emmèneront jusqu'au bout…Et puis on roulera chargé et moins excité que dans les Cévennes. Bref je veux y croire.
Avec le recul et en écrivant cette analyse je pourrais la résumer ainsi: LOL.

Entre temps nous modifiâmes le programme de la semaine. Au départ nous devions traverser les Pyrénées en deux fois deux jours, une première manche coté français, la deuxième côté espagnol.
Finalement nous ferons deux boucles à cheval sur la frontière et deux journées marathon de liaison entre chaque. Une solution plus favorable à la logistique hôtelière et à l'intensité générale du trip aussi. Surtout nous pourrons rouler deux jours sans bagage.

J'envoie ce schéma explicatif à Jean qui lui est en charge de la logistique hôtelière.
On a pas pris beaucoup de photos alors tous les moyens sont bons pour illustrer le CR.






J1 - Sur la Route

10h, pompes à essence du Carrefour de Givors. Enfin le voilà ce jour tant attendu !

Mes deux compères sont équipés ultra light niveau bagagerie. Je suis bluffé.
Jean roule avec le dernier Tuono Factory de la production. Biké lui a récupéré son V4 APRC 2012 réparé quelques jours avant le départ seulement et n’a pas roulé depuis ses cotes cassées deux mois auparavant. Moi j’ai le V4 R full black sans APRC, ni GPS, ni dieu. Et le gros sac sur la selle de prime abord sujet aux moqueries mais qui en a sauvé plus d'un. Enfin ça on verra plus tard.

Comme pour les Cévennes Biké nous fait le coup de la panne d'avant départ. Cette fois ci c'est une histoire de clignotant, vite réglée par Jean.
« Tu veux pas aller acheter une batterie à l'Hyper aussi? »
On rigole d’emblée et on en profite pour prévenir Biké qu'on lui laisse la matinée pour retrouver ses marques. Après rien n'est garanti. L’esprit motard, la convivialité, toussa.

Et la Tuono Cup pyrénéenne est lancée.

Direction Le Vigan pour l'étape du soir en passant par le Pilat, le Mont Gerbier de Jonc, l'Ardèche et les Cévennes. Du classique qui nous mènera aux limites de notre rayon d'action habituel. Je modifie un peu l'itinéraire du jour (ainsi je précise avoir diffusé tous les RB de la semaine à l'avance, personne n'a été pris en traître, qu’est-ce qu’on y peut si y'en a un qui n'a rien regardé !), en ne passant que par des routes + et des ++.
Alors ouais j'en suis conscient ça fait un peu psycho mais j'annote mes cartes Michelin. Stabiloté l'itinéraire déjà est bien. Après je qualifie certaines portions d'un +, double + voire triple+ suivant le niveau de gavage. Le quadruple + ce sera pour l’Espagne.

Pause déjeuner à Saint Agrève.
Déjà j’ai l'impression que nous sommes en retard sur le planning. On s'en fout c'est le premier jour, il faut que la mécanique se mette en place. Aussi Biké m’interroge sur le timing et l'horaire d'arrivée à l'hôtel du soir.
« Tout se passera bien, t'inquiète pas ! »

Après maints détours et itinéraires bis, vers 18h sur la route du Mont Aigoual, Jean passera un coup de fil à l'hôtel pour prévenir de notre heure d'arrivée approximative.
Les étapes hôtelières c'est pas comme le camping, tu peux rouler jusqu'à la nuit sans te soucier de monter le bivouac, alors on en profite jusqu'aux dernières lueurs du jour.

Nous gagnons Le Vigan et son gîte sur les coups de 20h, de nombreux spots locaux effectués. Comme nous le ferons souvent par la suite (tous les jours ?), nous jetons armes et bagages, ici dans nos chambres monacales de 6 m2, pour une douche bien méritée avant l'apéro et le dîner.

Ce soir, déjà, nous évoquons l'idée d’ériger une pierre tombale en l'honneur de Biké : « Ci-gît Biké, mort au combat pour la cause». Mais il ressuscitera chaque jour et mourra autant de fois.

Rassasiés nous quittons le restaurant en quête d’un bar et de digestifs, en vain.
23h30 tout est fermé dans cette petite ville traversée seulement par le chemin de Compostelle. Alors nous nous résignons à regagner notre hôtel dépourvu de bar.

« C'est un cas de force majeur j'en suis sur! »

Il n’en faut pas plus pour ouvrir le sac magique et taper dans les éléments de premiers secours.
J'ai emporté une flasque de whisky. Et si l'on devait écrire un manuel du road trip moto ce serait l'élément premier à prévoir. C’est tout simplement indispensable. Tu peux tomber en panne d'essence, crever un pneu, casser une levier, péter le moteur, tout ce que tu veux… mais si t'as pas ça t'es vraiment mal!

La première journée, la plus importante, est accomplie avec succès. Pas de problème, pas de panne.
Demain le trip commencera pour de vrai.




J2 - American Psycho

9h. Prêts à décoller je remarque la présence d'un liquide sur le sabot du Tuono de Biké et la lui signale.
« C'est une fuite d'huile, je suis mal !!! » Quel acteur ce Biké.
« Laisse tomber, la flasque on l'a vidée hier. »
C'est mauvais signe de taper dans les réserves le premier jour aussi.

Juste ça suinte, avec une vraie fuite il y aurait une flaque sous la moto ; en fait il nous prend pour des baltringues.
Biké est véritablement prêt à tout pour se tirer du guêpier dans lequel il s'est fourré. Se lever la nuit pour simuler une panne ne lui fait pas peur. Heureusement Jean identifie très vite sa fourberie et règle le problème de la durite du radiateur d'huile mal serrée aussi sec.
Dans notre joyeux trio les rôles sont répartis, Jean gère la mécanique et la logistique, moi la navigation et l'ouverture, Biké, lui, paie. Et il paie tout !

« T'as pas le choix Biké, c’était TON idée les Pyrénées! »

Ainsi on décolle avec une demi heure de retard mine de rien. Hier c’était une petite journée de 400 bornes et nous étions partis tard (en fait 450, ai-je déjà avoué mon enclin pour les détours et diverses prolongations?) donc je ne pouvais pas évaluer objectivement notre rythme et notre heure d'arrivée. En vérité on aura laissé tomber d'emblée le rythme « tout à toc » des Cévennes pour encaisser physiquement les sept jours à venir. C'était seulement à toc dans les virages et tranquille ailleurs. Bon y'avait pas grand chose d’autre que du virage quand j'y repense…
Bref aujourd’hui c'est la dernière petite étape test de 400 km, celle où je dois me rendre compte si les kilométrages des RB prévus sont réalisables sans arriver à point d’heure ou complétement déconnants. A partir du lendemain on attaquera les 500 bornes de virages de montagne journaliers. Je ne suis pas complètement inconscient! Je ne pense pas à la liste des courses en roulant moi (conasse!), quand même à deux trois trucs.
J'essaie de ne rien laisser transparaitre même si je ressens une légère pression monter en moi amplifiée par les doutes exprimés par Biké.

Jusqu'ici tout va bien. L'important ce n’est pas la chute mais l'atterrissage, enfin tu connais.
Une précision. J'aime reprendre les choses là où je les ai laissées. Donc on va filer en Espagne reprendre l'histoire au point précis où je l'avais l'abandonnée trois ans auparavant mais on va aussi et surtout la relire à partir des Cévennes, depuis Lodève et sa boucle magique découverte avec Jean et Stéphanie ; personne n'y échappera !

Right here, right now !

On démarre par les cirques de Navacelles, ensuite le plateau avant la descente boisée sur Lodève et sa remontée de course de cote incroyable, puis la boucle à l'étroit bitume parfait tout en enchainements de pif, paf, doubles gauches, triples droits, tout ce que tu veux, tout est possible, c'est comme chez Hassen Cehef !

https://youtu.be/7fV7_jM97RA

Bon je ne vais pas en écrire des kilomètres ce fût ainsi durant tout le trip, gavage constant!

Une durée indéterminée plus loin nous quittons les Cévennes pour quelques encablures moins extrémistes mais tout aussi joueuses. Comprendre un tracé plus large et une vitesse idoine. J'atteins la dernière réminiscence qui me sépare de mon Graal espagnol, le col qui descend sur Lézignan-Corbières. Après je ne me rappelle plus la route. Mais là au sommet je me souviens qu’on voit la mer au loin, très loin, imbriquée dans l'horizon aux reliefs décroissants.
Bon les gars tout va aller très vite.
Je pointe un index insistant vers le bleu lointain (quand même pas le droit, je ne sais plus).
Z'avez-vu ?
J'insiste.
Jean voit. Biké je ne sais pas. Au mieux il se souviendra avoir ralenti sur un sommet.
C'était la Méditerranée.
Et on ne la verra pas de plus près, nous devons regagner la montagne. Alors gaz ! On est pas venu pour le tourisme.
Tout du long Jean et Biké en ont rigolé. Mais je suis bien conscient d’avoir joué maintes fois le psycho boy en mode « on s’arrête uniquement pour remplir les réservoirs ».

Passé ce bref interlude, de nouveaux reliefs nous font face, la montagne est là, les petites routes également. Gavage forever ! On ne l'avait pas trop quitté pourtant.

Dernier col en montée depuis une petite ville avant Ax-Les-Thermes notre étape pour deux jours, un gugus en roadster japonais quelconque nous tend la perche (à part KTM et Aprilia je n'entrave rien. Ce n'est pas pour faire genre... Je n’y connais pas grand chose aux motos en vérité), comme on est très joueur on le suit. Et je le regrette immédiatement.
Au premier droit serré le local se retrouve sur la voie d'en face, ses chaussettes bleu ciel droites dans ses Air Max.
Et si le mec se met parterre ? Je suis débile d'avoir joué avec cet énergumène qui se retourne sans cesse pour savoir où je suis, le pouce levé de satisfaction. Bah toi t'es encore plus con que moi je ne te félicite pas !
Nos directions n’étant pas les mêmes, avec soulagement, nous finirons par tourner à gauche pour une dernière descente sur Ax accompagnés de quelques gouttes de pluie.
Perdus, le GPS de Jean nous conduira en ville sur des voies improbables. Nous ne serions sans doute jamais arrivé à destination sans le GPS, mais ma carte Michelin ne m'aurait jamais fait ça !

18h55. Fait incroyable nous sommes en avance.
Alors Biké en profite pour laisser tomber à l'arrêt sa moto devant la porte de notre garage dédié.
Une fois les dégâts insignifiants établis on s'est bien foutu de sa gueule, pas d’inquiétude !

Jetage de bagages. Douche. Triple apéro. Restau. Digeo. Dodo. On verra pour le casino.

Demain ce sera la conquête du Graal épisode 1.

Pilou:
Exellent, merci pour le retour

Bourrask:
J3 - Paradise City


Ce matin nous décollons à 9h15. Le programme de la journée est ambitieux et l'itinéraire doit nous conduire en premier lieu à Andorre dont la traversée est longue et ennuyeuse d'après mes souvenirs.
Avec ce départ matinal nous gagnerons un peu d’avance.

Une vingtaine de kilomètres après Ax-les-Thermes nous remontons sur une file de voitures processionnaires à l'arrêt. Le ruban serpente le long de la montagne sur 3 ou 4 kilomètres et disparait de notre champ de vision sur sa crête de manière presque incroyable.
Devant nous une voiture manœuvre pour s'extraire de l'emprise communautaire et réaliser ce qui me semble la réaction d'esprit la plus saine : le demi-tour. Pourtant le passage par Andorre nous est incontournable, alors nous remontons rapidement l'interminable file de bagnoles engluées dans la chaleur et les gaz d'échappement. Leurs occupants gagneront les portes du sacro saint temple de la consommation détaxée d’ici deux ou trois heures au mieux.
A la demande de Biké nous nous arrêtons néanmoins dans ce gigantesque centre commercial enclavé au creux des montagnes pour acheter de l'huile moteur.

10h55.
Avant de renfiler les casques, Biké m'interroge :
« 500 km en partant à 11h, comment on va faire ? T'avais prévu le coup ? Faudrait pas raccourcir ?»
« T'inquiète pas, tout est sous contrôle.» Et puis là techniquement il ne reste que 450 bornes.

On peut le faire. Et on va le faire ! Hors de question de rebrousser chemin si près du but. C'est pas le Dakar non plus et l'hôtel nous attend pour le soir. Evidemment je ne lui dis pas que la fois précédente, il y a trois ans, on était rentré à minuit au camping au terme de cette même boucle. On était parti beaucoup plus tard, on avait eu une galère d'éclairage et on s'était perdu. On ne s'était pas arrêté pour manger aussi… J’estime notre retour à 21h maxi avec les pauses.

« Allez Biké, à 20h on sera à l'hôtel pour l'apéro !» Il faut savoir motiver les troupes.

Contact, moteur. Je regarde l'heure sur le tableau de bord : 11h05.
Bordel on a déjà perdu 10 minutes !! Je pressens que cette histoire va être un sacré contre la montre.

Nous reprenons notre route par une deux fois deux voies. J'espère faire le plein juste avant de quitter la province, mais je rate la dernière station. Dans ce paysage il n'y a que ça des pompes à essence... C'est pas grave on verra plus loin.
Rien.
La frontière espagnole franchie, les routes sont désertes, le contraste avec Andorre est saisissant. Pourtant il faudra ravitailler impérativement pour s'engager sur les cols désertiques plus très loin désormais. J'attends la dernière petite ville située sur la carte juste avant la bifurcation convoitée, avant l'éventuel coup du demi tour. Et miracle, une station se présente à nous tel un mirage.

«Tu vois Biké tout est sous contrôle ! Tout est prévu et planifié à l'avance.»

Maintenant de la route 4+ nous attend.




Le Graal.

Ce n'est pas un simple un col ou une superbe route de 20 ou 30 km. Là c'est 130 bornes d'affilées, une route déserte qui traverse 2 hameaux et une petite ville au milieu de reliefs variés, une circulation quasi nulle, un bitume parfait et ? ET pas une ligne droite.
Magique, la route va crescendo.
Ca commence par un tracé à flanc de montagne hyper étroit où l'on se croit très vite comme sur une route fermée. La végétation est aride, le trafic nul. Ne pas oublier qu'on est (hypothétiquement) pas tout seul alors il faut bien rester sur ses gardes, tous les sens en éveil. L'erreur ici est impardonnable.
Passée la crête de la montagne la route devient dans son deuxième tiers extra large, tout en enchainements et épingles dignes d'un circuit, c'est la redescente sur Berga. 80 bornes cumulés.
Le dernier tiers, Berga – Ripoll, en apothéose. Jusqu'ici y'avait quand même deux ou trois très courts bouts de droit c'est vrai. Là cela n'existe plus. 45 km d'enchainements de virages parfois totalement improbables dans un relief vallonné dessiné uniquement de cuvettes et de remontées incessantes sans âme qui vive. Un truc de déglingo !



Sur les coups de 14h le Graal consommé jusqu’à la lie nous marquons l'arrêt dans un resto.
On remarque de suite qu’on est toujours en Espagne. La patronne fait le tour de la bâtisse pour nous accueillir sur le parking et nous conduire à la salle de restauration climatisée, ici il fait trop chaud pour déjeuner en terrasse.
La serveuse nous explique le menu dans sa langue à laquelle nous n'entendons rien. Pour je ne sais quelle raison Jean et Biké m'ont désigné comme traducteur. Cette putain de blague !
J’ai tout simplement refusé d’apprendre cette langue au lycée, et jeune je pouvais être encore plus buté qu'aujourd’hui. J'écrivais en français et je rajoutais des « a » à tous les mots, c'était a-b-u-s-é !
Ces lointains souvenirs rejaillissent de ma mémoire à cet instant précis, en même temps que deux trois notions d'Espagnol finalement…

« Tu n'as rien compris à ce que je viens de te dire ? » m'interroge la serveuse à la fin de son explication.
« Oui !!! » Cette sentence est peut-être la seule que j'entends clairement.
On choisira le plat « muy a gusto » selon elle et on oubliera un peu la montre le temps du déjeuner.

L'horloge sur le tableau de bord du Tuono ne s'est pas arrêtée elle. Il faut repartir vers notre chère patrie, le Prats de Mollo, Amélie-les-Bains, où nous abandonnerons la route à chèvre qui traverse au plus court le relief nous séparant de notre destination pour 20 bornes infernales jusqu'à la prochaine option désirable. Dans la chaleur et la circulation intense (habitués depuis trois jours aux routes désertes, la présence d'autres véhicules nous révulse littéralement), ce chemin de croix nous paraît interminable.
Proches de Perpignan, nous nous engageons sur une petite départementale perdue qui devrait nous redonner le sourire. C'était sans compter sur cette satanée bagnole derrière laquelle nous resterons bloqués pendant 10 bornes. Dans certaines situations même la cavalerie n'est d’aucun secours…Enfin une ouverture se présente à nous avec un bout de droit, et quatre motards nous font signe en sens inverse. Je les ai maudit. Dix bornes qu’on avait croisé personne !
Le champ enfin libre nous gazons promptement vers un « je ne sais trop où », une halte qui devra avoir lieu au plus vite pour se réhydrater. Il doit être 17h.

18h. Go pour notre chez nous.
La N116 sans passer par le petit col prévu au RB retour pour éviter Andorre. Le temps de rejoindre Font Romeu la route menant à l'American Way of Life devrait être déserte. Les bouchons c'est 9h/18h, après c'est la lobotomie télévisuelle sur écran plat 4x3 acheté en zone détaxée.
Avec l'altitude et la fin de journée, l'air se faisant plus frais, la route moins fréquentée, notre condition physique se ravive, gros plaisir sur le col de Puymorens et avant. Et jusqu’à Ax avouerais-je.



Arrivée 20h30 ! Y'a rien là ?!!
Apéro tout de suite après la douche.

Dîner au resto, ensuite Biké ira ériger lui même sa dernière pierre tombale. Il n'a plus besoin de nous pour ça. Avec Jean j'irai terminer la soirée au casino. Très grande classe Jean partagera les gains à parts égales, selon lui il aurait bénéficié de ma chance de débutant…

« On joue le 3 ! »
C'est notre chiffre.




J4 - Alien days


8h30. Au comptoir notre jolie tenancière blonde me présente la note pour les deux nuits passées, je lui tends ma CB.
J'ai un peu la tête dans le cul. Mais pourquoi ils ont dit qu'elle était moche ? Elle est super mignonne oui !
« Alors à jeudi.» conclue-t-elle.
T'excite pas ma belle. Dans deux jours nous devrions revenir à ton hôtel c'est ce qui est prévu. Certains même t'ont confié quelques bagages en attente mais moi je n'abandonne rien. Tu sais on roule avec Biké nous. Pas sûr qu'on revienne. Il doit y avoir des hostos aussi vers Bayonne.
« Oui à jeudi, bonne journée. »

Je retrouve Biké seul dans le garage, Jean parti régler sa note.
Biké : « Il est où mon bidon d'huile ? »
Je la joue tepu.
« Ah bah Jean il a fait le niveau de sa brêle et après il était vide alors il l'a jeté à la poubelle. La poubelle jaune je te rassure, on est pas des gros bâtards.»
Quelques secondes de flottement et je devine une larme perler au coin de l'œil de Biké.
« Mais non, on t'adore mon Biké ! Jean a fait le niveau de vos deux motos et même on a graissé ta chaîne. On t'aime beaucoup!»

Arrimage des bagages et départ. Objectif numéro un, l'essence.
Hier il fallait jouer contre la montre. La tête dans le guidon à la descente du Puymorens je repérai un panneau routier qui nous indiquait Ax à 57 km. Un coup d’œil sur le compteur et j'estimai notre autonomie à 60-65 bornes avant la panne sèche. On fût laaaargeee.
La prochaine station à trois kilomètres est ralliée sans encombre. Aussi Jean en profite pour démonter sa brêle dans l'espoir de régler son problème de shifter apparu la veille. C'est le down qui ne fonctionne plus, peut-être faudrait-il tout déconnecter…

Nous repartons assez rapidement, aujourd’hui c'est journée marathon. Qui a dit encore ?

Ensuite ce fût un enchainement habituel de petites routes et de virages à n'en plus finir. La routine. Nous ne fumes pas rémunéré pour, mais ce fût notre labeur de la semaine. Un travail agréable et sans encombre, enfin peut-être pas pour tous…



Les contrées traversées furent une découverte pour chacun et nous attribuâmes des +, double + et même triple + tout du long. Nous déjouâmes les éléments, avançâmes nos jokers sur les sombres horizons, prîmes les paris, bref nous niquâmes sa mère à cette tepu de météo quelque peu capricieuse.

Pause déjeuner dans un estanco comme officine de concours de pétanque. Merguez frites bière.
Biké boit de l'eau… Je vous ai dit qu'il était crâmé, physiquement ? Respect mec ! Dans ces conditions moi jamais je n'aurais fait ce que tu as accompli jusqu'alors, et la moitié du trip n'est pas encore franchie. Reste fort !

La pitance avalée nous repartons pour d'autres routailles encore, toujours vers l’ouest.
Au pied du col du Tourmalet un supermotard Husqvarna (ça je reconnais les couleurs) croisé peu avant l'embranchement fera demi tour. Pour nous peut-être ?
Arff !Ouais j’avoue, j’ai pas fait signe. Je m’excuse. Je surveille constamment la route, la carte, la montre, le rétro, la circulation, bref je suis bien occupé. Si ça se trouve on a affaire à un psychopathe. Je sais ce que c'est, j'en ai un de supermot.
Ici on a pas l'avantage du terrain, la route est piégeuse et sale. Je fais signe immédiatement au deux temps derrière moi de passer, sans réaction de sa part. Moteur alors! C'est ça ? Ce sera notre seul atout ici. Les V4 hurleront avec en écho un bruit de deux temps qui reviendra à l'entrée de ces trops nombreux virages à l’aveugle.
Nouveau signe de la main. Vas-y mec passe, nous venons en paix. Après il nous a ouvert la route et proprement, c'était super.





18h, au pied du col d'Aubisque au sommet drapé d’une épaisse couverture nuageuse nous effectuons une pause avant ce qui sera sans doute le moment le plus mémorable de notre trip, ce que nous ne savons pas encore bien évidemment.
Avant de fermer les visières :
« T'inquiète Biké dans deux heures nous serons arrivés, promis, on est larrrgeee ! »
De toute façon je n'ai que deux réponses :
1- « Il reste une centaine de bornes avant l'arrivée. »
ou
2- « L'arrivée ? Dans une 1h30 -2h grand max.»
Si je sors une de ces deux répliques, ce qu'il faut comprendre : je n'en ai aucune idée.

A mesure de l'ascension du col la brume d'abord lointaine devient plus présente plus lourde, la montagne nous engloutie peu à peu dans son épais manteau humide. Sans espoir d’échappatoire le blanc devient obscur. Le feu rouge scintillant de la voiture devant nous sera notre fil d’Ariane. Peut-être deux ou trois autres ouvrent notre convoi. Je distingue seulement la première juste devant et quelques idées de précipices aussi. Nous couperons les moteurs sur la descente dans une quiétude improbable. Qu’il est bon dans cette ambiance de rouler la visière levée, se parler de vive voix, d'écouter le calme absolu autour de nous.
A vrai dire la mièvre poésie ça me gave vite fait. Et là on a passé une heure pour accomplir trente bornes. La brume volatilisée il est temps de redémarrer les V4. Vrroaboummm ! Première enclenchée, gaz. On remonte notre convoi jusqu'ici invisible. Y’avait bien huit bagnoles devant nous mine de rien.

Nous nous arrêtons à la première station service rencontrée au pied de la descente. Tous les reliefs alentours sont recouverts de cette même brume durement traversée.
« Qu'est ce qu'on fait ? »
Il doit être 19h. Ca me fait mal au cœur mais on va être obligé de raccourcir pour arriver dans des temps raisonnables. Point carte. Nouveau calcul d'itinéraire en cours. On va contourner les reliefs, éviter le brouillard et peut-être la pluie, tirer au plus facile, au plus rapide par les grands axes.
Très vite la pluie s'abattra sur nous pour quelques longues minutes. A la faveur d’un rond point je m'arrêterai pour retourner ma carte immédiatement détrempée. Putain ça va chier ! Personne ne touche à ma carte.
Coup d’œil au tableau de bord. Montre : 19h30. Carte : 100 km. Résolution : bordel à 20h30 on est à l'hôtel !
GAZ !!

20h30 pétantes nous sommes sur le parking de l'hôtel de St Martin d'Arrossa pour récupérer les cartes magnétiques de nos chambres.

« Jetage de bagages. Douche. Triple apéro. Restau. Digeo. Dodo. Y’a pas de casino ici mais le serveur nous remplit nos verres de poire avec des double voire triple doses. Y’a pas que sur la carte qu’on force la dose avec les +.

Bourrask:
Je n'avais pas averti au départ mais le CR est long, j'espère que ce n'est pas trop pénible à lire, du moins pour ceux qui ont réussi.
Faut voir ça comme une BD ou un scénario de film de série B, bref une histoire avec beaucoup de second degré. ;)



J5 : Ch-check it out

La veille nous avions décidé de raccourcir la boucle dans le pays basque prévue pour le lendemain et de dormir un peu plus longtemps. Aussi Biké resterait pour la journée à l'hôtel et Jean devrait régler le problème de son shifter récalcitrant.
Nous commençons la journée par un atelier mécanique. Jean démonte le réservoir pour débrancher le fil du shifter et le neutraliser définitivement. L'opération sera réalisée non pas grâce aux trois pauvres outils présents sous la selle mais plutôt avec ceux transportés dans mon sac. Faut savoir être prévoyant pour ce genre de périple.
Enfin, prévoyant, c’est vite dit. Apparaît aujourd’hui un paramètre à gérer deux étapes plus tôt que je ne l'avais supposé : les trois pneus arrière sont sur les témoins.
Déjà ! Arggg !!!
Néanmoins en fin de matinée nous quittons l'hôtel Jean et moi avec comme objectif l'océan.
Nous traversons quelques reliefs verdoyants du pays basque. Une impression s'impose d’emblée, il faudra revenir un jour explorer cette région magnifique, à l'occasion peut-être d’un voyage dédié qui sait.

Si quelques jours plus tôt nous n’avions qu’entraperçu la Méditerranée nous déjeunerons au bord de l’Atlantique dans un restaurant sur le port de Ciboure.



Ensuite, la problématique des pneus en tête, nous décidons de tenter notre chance chez le Dafy moto de Bayonne situé à 30 km au nord de notre position actuelle.
Surtout il faut se pointer à l'improviste, ne pas téléphoner avant, c'est ainsi que nous maximiserons nos probabilités d’être dépanné.

« - Bonjour ! Ce serait pour monter deux pneus, c'est possible ?
- On est overbooké, ça va être compliqué là tout de suite.
- On est en trip moto, on vient de loin, toussa…
- Attendez je vais voir avec le mécano ce qu’on peut faire. »

On aurait téléphoné c'était mort. Là on devine de suite que c'est gagné. Et les deux pneus arrière seront remplacés dans la foulée. Génial !
Nous prévenons Biké par téléphone de la situation et lui demandons s'il a géré de son coté le changement de son pneu. Pour lui RDV le lendemain à 10h ici même. A l'opposé de la route pour l'Espagne, donc pas très raccord avec nos plans.
Alors Jean repart négocier auprès du vendeur une intervention sur le 3e Tuono le soir même. Parallèlement le patron me conduit dans son bureau me montrer sur Maps le RB que l'on doit « absolument » suivre pour un « gavage assuré ».

Retour sur le parking. Jean a bien négocié. Biké prévenu il partira immédiatement de l'hôtel pour un montage avant la fermeture du magasin. Le patron quant à lui nous donne ses derniers conseils sur le roulage en Espagne. Le bitume très abrasif qui tue les pneus ; la panne d’essence possible dans les zones désertiques ; la diplomatie à respecter avec la brigade florale du type « surtout tu fermes ta gueule».
Toute l'équipe du Dafy a été géniale et drôle, le top !
« Et puis si vous voulez repasser vendredi on vous montera des slicks ! » lol

Sur ce nous repartons direction St Jean Pied de Port, à 10 km au sud de l'hôtel, dans l'idée de roder les pneus sur quelques spots indiqués à proximité.
A mi chemin qui croisons-nous ? Dis-moi pas que c'est pas vrai! Je reconnais immédiatement la face du Tuono et la grande carcasse dans son cuir Furygan, à qui j'adresse un coucou explicite et bien appuyé. Biké nous répond d’un tout petit V…mais il ne nous a même pas reconnu ! A croire qu’il roule en Harley Davidson.

Le premier col conseillé n'est plus très loin, le tracé grimpe vers un relief duquel se déverse une épaisse brume humide. Encore. Résolus nous ferons demi tour au bout d'une vingtaine de kilomètres. Inutile de s'entêter pour une route détrempée que nous pourrons poursuivre le lendemain sur le sec.
Et il se fait tard. Alors on décide de rentrer à l'hôtel avec en mire les dix bornes finales de la large départementale empruntée plusieurs fois depuis notre arrivée tout en grandes courbes. Soit gaz !
On coupera le métal hurlant juste à la bifurcation pour l'hôtel.

Sur le parking quelques minutes à peine après notre arrivée, une dame s'avance vers nous :
« Ah oui…C'est bien vous les motards qui viennent de nous doubler ? On avait reconnu les motos avec mon mari. »
Echange de regard furtif et complice entre Jean et moi. Arff...
Jean : « J’espère qu'on vous a doublé prudemment, pas trop vite. »
La dame : « Oh…oui, nous sommes très prudents avec les motards, on s'écarte toujours. Vous ne rouliez pas très vite».
Mais qu’est ce qu’elle dit, elle ? On était taquet ouais ! Tu veux qu’on retourne dans le grand gauche pour voir ?
« Bonne soirée à vous.»

Dernière soirée dans le pays basque où décidément les doses bar ne sont pas du tout les mêmes que chez nous. Les V4 consomment, leurs pilotes tout autant.

Demain ce sera l'Espagne toute la journée pour 500 bornes qui je l'espère seront de la même teneur que la route empruntée deux jours auparavant. Je le convoite depuis si longtemps. Ce sera la conquête du Graal épisode 2 assurément.




J6 - Lost in translation

9h sur le parking de l'hôtel Chez Katina. Le ciel est d'un bleu limpide, les sacs sont arrimés, le séjour à l'hôtel réglé, les pneus arrière rodés, nous sommes équipés, les moteurs ronronnent. Ce matin tous les augures sont de notre coté pour que cette journée soit inoubliable. On baisse les visières et go pour l'entrée des manèges à dix kilomètres de là.
La veille dès mon retour à l'hôtel j'avais déplié les cartes sur le grand lit pour adapter au mieux notre itinéraire selon tous les conseils donnés par notre très aimable St Christophe local. Nous débutons ainsi par la départementale si difficile à trouver hier dans Saint Jean Pied de Port, cette fois la route est quasi sèche, quelques zones humides seulement encore présentes. La frontière espagnole très proche est marquée uniquement par une petite zone commerciale délabrée, sans cela impossible de deviner le passage officiel entre les deux pays. Très vite le vif du sujet est atteint, la route commence à tourner sévère. Celle-ci nous avait été décrite comme un gavage assuré, ce qui est plutôt le cas, mais…
A vrai dire émerge à ce moment un syndrome qui finit toujours par apparaître dans tout bon road trip. Le syndrome de la fine bouche me gagne, le plaisir de la route doit être comme la gastronomie. Sans doute habituée aux restaurants deux ou trois étoiles, l'appréciation gustative évolue, les références ne sont plus les mêmes. Alors elle est bonne mais des routes équivalentes on s'en est goinfré des tonnes depuis le départ. J'accorderai une note d'1,5 +. Oui, je deviens difficile. Aujourd’hui la barre est placée très haut qui plus est.

Désormais nous poursuivons notre quête vers le sud, vers le Graal promis. Le chemin bifurque à gauche sur une belle route de montagne déserte. Désert, c'est le qualificatif qui frappe en premier l'esprit dans ces contrées. Non pas un désert minéral car les paysages certes arides sont parsemés d’une végétation persistante adaptée aux fortes chaleurs, mais un désert d'humanité. Nous traversons tout juste quelques hameaux sur de nombreux kilomètres dans une absence totale de circulation. Et pourtant c'est une nationale, un axe majeur qui joint l'ouest à l'est du pays à travers les Pyrénées.
La station essence du premier bled rencontré marque l'arrêt pour un ravitaillement à bas prix. Des Espagnols attifés en chasseurs sirotent le café autour de tables disposées en recul des pompes à essence. J'entends presque le duo guitare-banjo de Délivrance. Je déconne. Y'a la télé dans le bar.
Le Coyotte de Jean affiche les 60 prochaines bornes en couleur vert clair et sur ce territoire les points de contrôles sont signalés très précisément. Ceci dit je n'entends jamais les coups de klaxons et autres avertissements de la part de Jean, je dois bien l’avouer.

C'est reparti. Cols, défilés, les tracés sont bons, le plaisir bien présent, surtout les paysages sont dépaysants. La carte nous conduira jusqu'au lac de Yesa que nous ne verrons pas.
Arrêt sous un soleil cuisant, il faut s'hydrater. J'en profite pour jeter un œil à mon pneu avant qui tire bien la gueule après ces premiers kilomètres espagnols.
Comme une envie de pleurer… Bordel, j'aurais du/pu le faire changer hier. Cette idée me désole encore plus.



Ensuite c'est un intermède de lignes droites incontournables jusqu'à Jaca puis Sabinanigo, où j’ai grand espoir au vue de la carte que la route redeviendra joueuse. Alors vient le départ d'un col aux allures d'autoroute. Une quatre voies extra large au bitume parfait, à l'absence totale de trafic, mais totalement dénuée de sensations. Il faudrait rouler au moins à deux fois la vitesse autorisée pour transformer ces immenses courbes en virages. La déception pointe.
Me suis-je trompé dans mon interprétation des parchemins ? C'est rare pourtant, en général je réussi plutôt bien l'exercice… Je suis déçu de moi. Et la déception va s'éterniser sur 100 kilomètres. Où est-il mon Graal promis ? J'essaie de comprendre et me replonge sur la carte qui d’habitude ne me ment pas. Par endroit quelque alternative était possible mais dans l'ensemble la lecture était raisonnée. Le Graal ne peut être ici telle est ma conclusion logique. Et sans doute même est-il unique et l'avons nous déjà conquis trois jours auparavant.
A ce moment tous les échos entendus au préalable resurgissent à mon esprit : bitume parfait, route déserte, soleil, paysage magnifique,etc. Bordel de merde, le paramètre principal et premier qui doit dominer et cela très largement tous les autres est : le virage (serré). Bordel ! De ! Merde !

Comme compensation me vient l'envie d’immortaliser la montagne qui émerge du panorama. Et pour une fois que JE provoque l'occasion d'une photo on me plante une usine dans le décor ! Plus jamais on ne s'arrêtera pour des photos, c'est décidé.



Pour le déjeuner, nous nous arrêtons dans un routier déserté depuis les années 60 au moins. La restauration est servie à l'intérieur, dehors ce n'est pas possible dans la chaleur ambiante. La pièce principale à l'immense comptoir évoque une ancienne salle de théâtre ; nous sommes invités dans une succursale meublée au goût d'un autre siècle.
La mamie tenancière nous installe et développe le menu en s'adressant à moi quasi exclusivement, entre quatre yeux. Ensuite les regards de mes deux compères se posent sur moi l'air d’attendre des réponses à des questions existentielles.
Mais je ne parle pas l'espagnol, bordel ! Je décide d'inventer.
« Alors ça c'est une salade de calamars et ça c'est du porc. » Je dis n'importe quoi, avec aplomb ça passe.
Jean méfiant commande en entrée les pastas, faciles à traduire. Je fais le même choix évidemment. Biké lui choisit ma salade de calamars. Une assiette de charcuterie avec deux feuilles de salade lui sera servie ensuite. Premier fou rire. « Quentin faudrait que tu révises ton espagnol » m’annonce Biké. LOL. 2e fou rire vu mon passé scolaire en la matière.
En plat principal nous prenons tous le « muy a gusto ».
Le dessert. Jean ne tombe décidément pas dans le panneau et se rabat sur le melon. Je conseille à Biké un choix identique au mien « latartalapecha », la tarte à la pêche selon ma traduction.
Non mais le fou rire quand la mamie nous a présenté chacun une coupelle sur pied contenant un flanc indescriptible. Presque je me serais pissé dessus.

Le repas à l'heure espagnole achevé nous reprenons la route. J'étudie sur la carte deux modifications d’itinéraires possibles, nous abandonnerons cette route indigne quitte à emprunter des détours par le nord ou le sud, je déciderai au moment apportun.
Non loin de Pont de Suert nous bifurquons vers le nord qui me semble plus judicieux avec cette lourde chaleur, direction Vielha de l'autre coté de la montagne. Et ce massif nous n'allons pas le surmonter ou le contourner, nous allons littéralement le traverser de part en part via un immense tunnel.
La température actuelle extérieure est de 37 degrés, attention nous allons pénétrer une zone de turbulence, veuillez accrocher vos ceintures.
A peine la porte du tunnel franchie une grande fraicheur me saisit immédiatement, le dénivelé tombe à pic provoquant avec lui une très étrange impression. A mesure de notre chute la température ne cesse de baisser, jusqu’au point où j'en viens à me demander si mon cuir ne va pas finir par givrer, j'en ai presque mal aux bras. Aucun véhicule dans les deux sens un vrombissement se fait entendre. Au départ lointain et de plus en plus agressif à mesure de notre descente. Sommes-nous en route pour le centre de la terre ? Le bruit devient assourdissant malgré les bouchons d’oreille, le froid quasi insupportable, je suis presque effrayé. Le bruit se rapproche inéluctablement. Finalement j'en dépasse l'origine en même temps que je la comprends, elle provient d’énormes moteurs de ventilation. L'agression sonore s'amenuise en même temps que des rayons de lumière jaillissent au loin, nous sommes sauvés !
Nous atterrissons sur d'autres versants, un tout nouveau décor montagneux ponctué de crêtes pointues et noires indiscernables depuis la vallée précédente, Vielha est tout en bas au creux de la cuvette que nous survolons.



Nous enchainons par un col, un défilé, encore. C'est toujours bon. La route qui longe un cours d’eau surtout avec son bitume noir tout neuf et ses virages enchainés magnifiquement les uns aux autres jusqu'à la Seu d’Urgell où nous effectuerons une dernière halte salvatrice en contrée espagnole. Ensuite ce sera le dernier galop jusqu'à Ax les Thermes en passant par quelques cols puis Andorre. Entre temps mon pneu avant finira par rendre l'âme. Son profil complètement déformé par la route rendait la conduite de la moto incertaine et floue depuis le milieu d'après midi, cette fin de journée elle en deviendra presque dangereuse.



Petit arrêt au Pas de la Case vers 19h passées. Ax est juste en bas à une trentaine de kilomètres, autant dire que nous sommes arrivés.

Nous retrouvons notre hôtel d'il y a deux jours sans l'accueil de notre charmante blonde.

Jetage de bagages. Douche. Triple apéro. Restau. Digeo. Dodo. Pas de casino.

Au cours de la soirée j'affranchirai Jean et Biké à propos de mes problèmes de pneu avant.
« Soit je remplace mon pneu demain, soit on rentre tranquille en mode balade sur les deux dernières étapes, comme vous voulez. »
Ce à quoi ils répondront unanimement: « Fais changer ton pneu.»

lbourrin:
ben alors ? et la suite ? j'attends là ! ;)
 Allez hop au clavier ! envoie !
 :P

Navigation

[0] Index des messages

[#] Page suivante

Utiliser la version classique