Auteur Sujet: Ombre & Poussiére  (Lu 1339 fois)

SugarMc Coy

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Ombre & Poussiére
« le: 04 mars, 2012, 01:58:50 01:58 »

Depuis lundi, et ce mémorable baptême sur circuit (jeu set et match) le proto dormait, niveaux faits, chaine tendue et graissée, il attendait. Désormais à ma main, en réglages stock, j'entamais le championnat du monde des courses sur béton.
Nous étions 9, SV6.5, ZX6R, R6, RSV mille R K7, R1 K3, R1 K8, ZX10R K10 (deux nouveaux) , et moi même sur le Prototype Black Phantom...
J'étais confiant, sur de moi et de ma machine qui à Alès avait cassé les vibreurs. J'étais confiant mais quand je me suis retourné à la première arsouille, le R1 et le 10 R étaient dans ma roue et lorsque j'ai ouvert encore plus, ils n'ont pas rendu la main, ils ont simplement suivi....Ces deux nouveaux, pistards et expérimentés, menaient la vie dure au prototype que toute notre nation, de voleurs d'autoradios et de casseurs de boulons chérissait..
Quand je les laissai passer, dans les collines vers Buis les Baronnies, le Falco 1.2 se mit à gigoter à se tordre, tu sais j'ouvrais les gaz les en grand, mais je me faisais déposer, ma Mère m'a fait naitre bon freineur, Dieu merci et je gardais le contact, loin que nous étions tous trois de mes pourtant ex maitres et ex adversaires, relégués à plusieurs dizaines de secondes-Jamais en 20000 kms je n'avais subi pareil affront.

Le vernis de ma moto s'écaille, et mes espoirs déchus tombent avec fracas sur le goudron, je les suis pourtant, à 1.5 seconde à vue de pif, mais je ne suis pas en mesure de porter de Jack attack...L'amortisseur de direction c'est moi, et chaque irrégularité du bitume résonne dans mon anatomie, mon bras est tétanisé et je sue sous mon cuir, les adducteurs en feu, le liquide de frein en ébullition. Je suis la jeunesse qui se heurte à l'expérience, je suis la fougue diabolique qu'on éteint à l'eau bénite.

Puis vinrent les Gorges de la Nesque et ses virages aveugles pour de vrai pas comme la justice.

D'entrée l'Aprilia part fort j'ouvre au maximum, sur de la jouer aux freins, conscient de cramer les derniers millimètres des plaquettes, la moto fonce tente plusieurs fois de me désarçonner  puis plonge aux points de corde, au ras des rochers, le bras du RSV améliore la traction de la moto et c'est pas de trop pour lutter contre les armées de Japs que j'ai au cul.
Le bitume abimé par le gel et le dégel fait rebondir l'arrière lors des freinages, à cette heure ci, il n'y a pas un chat ici, tant mieux... Je freine au dernier moment à chaque fois j'ai l'impression que les roues s’entrechoquent, tellement aplati dans le sol que je ne fais plus que deux dimensions.
Plusieurs fois j'aide les freins en tombant deux rapports, la roue bloque et le train arrière rebondit, je négocie plusieurs virages les roues décalées, je laisse des virgules au freinage, et des virgules à l'accélération, j'ouvre dés que je vois la sortie du virage souvent plein angle, les autres me filent le train et moi ventre à terre tente de m'échapper. J'ai l'impression de travailler le ruban de route qui s'offre à moi, comme un tuyau plymouth que l'on veut enrouler. La moto est complétement à fond, les pneus en fusion, je prends de l'angle à me faire rentrer dans le bitume. La bécane contrebraque aux freins et contrebraque aux gaz, j'ouvre fort sous les tunnels rocheux pour intimider les poursuivants dans un fracas sismique, pour leur cracher à la face de douloureuses décibels. Je ne déhanche pas je fais corps avec ma machine, mes pneus se scotchent à l'asphalte, amortissant la direction avec mes tendons et mes ligaments, le V60 crachant ses ultimes chevaux, des chevaux qui cabrent mais qui ploient, un court moment, sur la route le temps s’arrête, et je me dis que je veux faire ça toute ma vie, je ne suis pas sur la moto, je SUIS la moto, une entité ectoplasmique, qui arbore ses cicatrices aux rayons du soleil, parce que les cicatrices ne doivent pas être dissimulées mais exhibées car l'épreuve nous a rendus plus forts.
Je sors de la Nesque en premier, les cotes serrées les artères dilatées, le bras droit en feu complétement crispé; comme digéré par un intestin géant, les acides gastriques m'ont entamé mais j'ai la dent dure, je leur ai mis un peu moins d'une seconde, l'honneur est sauf, je suis comme un radiateur électrique, je fais de la résistance.

Je rentre échoué sur ma moto, dans le couchant qui perce derrière les brumes crépusculaires de la Camargue, la machine grinçante et brulante, transperçant ce qui semble être le cadavre de l'hiver à bord de nos dévoreuses de courbes, moi en pilote presque automatique, un main sur les poutres du cadre l'autre sur l'accélérateur, épuisé, lacéré, on est peut être dépassés tous les deux maintenant ma belle mais on s'aime-moi je t'aime.


Notre cause vaincra.


 
« Modifié: 04 mars, 2012, 02:03:30 02:03 par Katucci »
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Les Colibris des arbres à cames  https://www.youtube.com/watch?v=Jpn7ttxU2eo

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bidi

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Re : Ombre & Poussiére
« Réponse #1 le: 04 mars, 2012, 08:47:55 08:47 »

belle prose !!!

on s'y croirait, chapeau, Monsieur !
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jeje rsv

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Re : Ombre & Poussiére
« Réponse #2 le: 04 mars, 2012, 10:59:58 10:59 »

je vais faire court...
jolie récit , ça sent le passionné amoureux de sa machine  :-*
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leguy

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Re : Ombre & Poussiére
« Réponse #3 le: 04 mars, 2012, 11:07:17 11:07 »

Encorrreee !!!!!!!!
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