Auteur Sujet: Conquête de l'Océan- Récit de voyage Landes-Pays Basque 2014  (Lu 3690 fois)

SugarMc Coy

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Conquête de l'Océan- Récit de voyage Landes-Pays Basque 2014
« le: 28 mars, 2014, 10:59:56 10:59 »

On voulait voir l'océan. Elles et moi. Et on est partis un soir de Mars. J'avais armé le Falco, que ma quête esthétique a élevé au stade de chimère mécanique. Aprilia écrit en bas relief sur le réservoir. Le Mistral s'était tut ce soir là en Provence. Devant nous défilèrent les routes du Gard, du Languedoc, de l'Aude, des Pyrénées, du Béarn.
La moto, char d'assaut vétéran affronte une fois de plus les aléas climatiques, les températures délétères, le bitume mal amalgamé. Un bras de fer, implicite, sans se dévêtir une seule fois de ce parnasse. Cette beauté qui fait cligner des yeux les marmots scotchés aux vitres des monospaces. Cette esthétique qui réveille le garçon au fond du père de famille, qui excite l'adolescente électrique chez la femme désormais mure. Le gant de velours aux fines couture qui appuie sur la gâchette en acier noir. Les cheveux de ma Belle sur sa selle passager volent en plein amour avec la vitesse. Elle et la moto. Elles et moi, la moto et nous deux.
La couleur. Le Rouge foncé. Le sang des adversaires séché aux quatre vents sur la musculature de la bête. Ils sont tous morts-ou presque ne reste plus que moi. Ne restent plus que Nous. Les kilomètres défilent et la fatigue se fait dure. On pose la tente dans un bled sans nom, dans une région inconnue, à pas d'heure de la nuit. Il fait noir et froid. Ma mie et moi dans le même entrelas de couverture. La Garonne pas loin laisse en elle s'engouffrer un ersatz de Mistral, cette putain de nuit nous glace le sang. Et au réveil nous sommes devenus encore plus chevaliers que la veille. La chasse trop rare, la viande trop dure, le confort n'existe plus. Nous sommes feu les guerriers d'Attila qui mangeaient et dormaient à cheval, la viande séchée en affinage sous le ventre des canassons. Les artifices du confort moderne s’éclipsent peu à peu, éliminant le voile de miel qui occulte nos capteurs sensoriels et nos instincts.
On arrive à l'océan vers midi, l'odorat le toucher l’ouïe le gout et la vue en plein éveil. C'est la première fois qu'on le voit. J'ai jamais rien vu d'aussi puissant. L'impression que chaque vague déplace jusqu'aux nuages lourds qui planent sur l'horizon. Ce flot de vagues qui croque la cote à chaque remous, qui mord la terre à chaque assaut. La méditerranée, c'était qu'un petit lac.
Le drapeau est planté, pour la tribu et la cause, ce territoire est atteint, la rouille a rongé la chaîne.
Biarritz-St Jean de Luz-Hendaye et San Sebastian et son armée de flics dans les rues. Les canassons de l'Aprilia crient beaucoup trop fort, puis la plaque puis ceci puis cela. Le passage et le retour de la frontière nous prennent une éternité, arrêtés sans cesse aux mini-péages, ralentis par les zones aux radars banalisés.
De retour en France nous songeons à poser la tente un temps sur la plage. La peur de la marée (on n'a jamais vu ça non plus) a raison de nous et on trouve une chambre d’hôte, vide pour nous accueillir la nuitée. Le soir un restaurant un peu expérimental nous fait goûter des délices méconnus. (ResaurantVilla Ilbarritz surla route de Bidart.
Au matin, après une nuit de pluie, je récupère l'Aprilia que le déluge a rincé, soucieux de la reposer un peu, nous passerons la journée à Bayonne à pieds.
Bayonne est une jolie cité, les petits commerces vivent encore là bas, les centres commerciaux sont poussés aux périphéries de la ville. la solidarité entre basques permet apparemment de maintenir une économie de proximité locale tout à fait appréciable.
Un fromager nous offre la dégustation, là un boucher nous fait goûter le llomo et le bon Bayonne, coupé au talon parce que c'est meilleur.(Boucherie etxepeio adresse à recommander). On mange pour pas cher et bien, compte pour deux une addition de 30 euros, avec deux boissons et entrée plat dessert. Le restaurant Vivaldiau tenancier Corse, te fait un pain au lait façon pain perdu exquis.
On dépose un cierge à la cathédrale Sainte Marie, et c'est déjà l'heure de quitter cette cité. La pluie tombe depuis le matin et ne parvient pas à effacer le magnétisme du coin, qui s'il est beau sous la pluie, doit resplendir sous le soleil.
Quelques kilomètres au nord pour revoir l'océan, la pluie tombe comme si elle voulait nous écraser dans l'asphalte. La bécane éternue, personne à manger sur la route, nous qui venions aussi pour guerroyer trouvons le seul vent sans aucun moulin.
Hossegor et Cap breton offrent de magnifiques et gigantesques plages, bien plus que la plage Napoléon de chez nous.
Le paysage se compose d'une route noircie par la pluie, d'une épaisseur de pins maritimes et ensuite vient la plage, qu'on a du mal à apercevoir de la selle.
Désert, tout est désert. Tu me diras y'a guère de fadas pour oser une excursion par ce temps. Nous remontons au nord au nord au nord. Aprés une épingle, un chemin dans le sable s'ouvre à nous. Une dune gigantesque,presque 5 fois celles de chez nous. Et le sable est épais, ne nous balafre pas la gueule.
L'aprilia et son équipage escaladent la montée à pic à flanc de dune, sans patiner. Les supercorsa caressent le sable brun, le bruit tétanique de la mécanique gronde pour la première fois si prés du littoral, sans goudron ni corniche ni parkings, la sauvagerie brute.
Au loin comme au Cap Corse, des nuages récupèrent les miettes de soleil que le lointain leur accorde. Les nuages volent au dessus de l'eau. C'est pas du pipeau, ils ne sont pas fabriqués derrière l'horizon, là j'en ai encore la preuve.
L'océan nous hurle dans les bronches. L'océan nous flatte le museau. La moto respire elle aussi l'iode marin, et nous deux nous déplaçons dans cet instant d'éternité. Rien n'est plus vrai que ça.
Je reviendrai. On reviendra. Je te le promets.

La moto craque sur sa roue libre et démarre au deuxième coup de poussoir, on s'échappe de la cote et reprend la route, ivres de sensations, catalysées par les deux ou trois fois ou je tape un peu dans la 5, les pneus planant au dessus de la chaussée humide.

Hossegor-Cap Breton nous accueillera le soir, aux chambres d’hôte de l'l'océanide.
A l'abri de la tempête qui fait rage dehors. L'aprilia dort sous une avancée de toit, sous une couverture et des plastiques, à défaut de mieux.
Au matin nous quittons notre aimable hôte et tentons une fuite entre les lourds nuages que la nuit a amené et le sol gelé que le froid à crée dans la nuit.
De Bayonne à Toulouse ce sera la pluie forte et glacée, qui se melera parfois à la grele et à la neige. Nous contraignant à fabriquer des équipements de fortune pour les mains et les pieds. Sacs poubelles, gants pour le gasoil des stations services.
A Pau, je suis presque en hypothermie, mes dents s'entrechoquent et j'ai du mal à marcher, ma passagère aussi.
Quelques fois nous nous arrêtons sur des aires désertes, sans stations, et nous courons autour de la moto sans arrêter le moteur. Je fais des séries de pompes pour boxer le froid qui gît dans mes artères.

Sur l'autoroute la moto renifle l'air saturé d'humidité que le ciel crache sur la Terre.
La grêle ricoche sur les carénages et les casques, fond instantanément au contact des pneus.
Les nuages noirs derrière, au dessus et au loin finissent par s'échancrer, en lambeaux poudreux, velléités célestes opiniâtres de mettre à rude épreuve la foi du pèlerin.
L'armure prend l'eau, le dernier bastion de la vie, là contre la poitrine et l'abdomen.
Il fait froid. Terriblement froid. Les gouttes rampent avec la vitesse sur l'aluminium brossé du cadre, le vernis du réservoir. Chaque expiration vaporise un nuage de carbone sur la visière du casque.
Il ne reste plus de royaume à défendre. Plus d'empire à envahir. Tout est démantelé. Ne restent que les chevaliers sans loi.
Errants pour l'éternité entre les flots d'automobiles et la failles du système.

J'y repense encore lorsque j'écris ces lignes et panse les plaies de la moto. eau, savon, essence, WD40. 1580 kilomètres en trois jours, harcelés sans répit par Tramontane, pluies diluviennes, grêle assassine même la neige et ce matin ce putain de Mistral.
La bonne parole est apportée aux hommes de la cote ouest, Atlantique. Les vassaux s'inclinent au passage du gonfanon bardé de cicatrices, de scotch et de tendeurs.
La moto ma gueule c'est juste un outil, ce qui compte c'est ce que t'en fais.
On met pied à terre de retour sur la Terre damnée des moustiques, les épaules chargées de galons.
Le chevalier est moins héroïque que sa monture, que sa bannière, que son armure et que sa passagère.



Notre cause vaincra. Gardez la Foi.
Mathieu P.
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stalingrad

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Re : Conquête de l'Océan- Récit de voyage Landes-Pays Basque 2014
« Réponse #1 le: 28 mars, 2014, 20:44:47 20:44 »

Super récit, c'est ce type de voyage que j'aime faire avec mes potes.  :P
Je sais je suis un Sudiste maso, mais c'est dans ces moments-là que les souvenirs sont les plus appréciés.
Pas sur une terrasse de café à Valras plage.  ;)
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Pilou

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Re : Conquête de l'Océan- Récit de voyage Landes-Pays Basque 2014
« Réponse #2 le: 29 mars, 2014, 08:50:40 08:50 »

Tu as vu l'océan, ça change de ta flaque  ;D Merci pour le cr
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Bestof

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Re : Conquête de l'Océan- Récit de voyage Landes-Pays Basque 2014
« Réponse #3 le: 29 mars, 2014, 08:59:46 08:59 »

cet homme est fou

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faut j'reprenne la route moi
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Bestof : F D M / la provoc élevée au rang d'art..... / Sérial Fucker en Chef : PHEUCKIOU / le veilleur
 

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